Selon les informations recueillies par Amnistie internationale, de très nombreuses condamnations à la peine de mort et exécutions ont lieu au Moyen-Orient entre autres en : Algérie, Arabie saoudite, Bahreïn, Égypte, Émirats arabes unis, Irak, Iran, Jordanie, Liban, Libye, Maroc et Sahara occidental, Oman, Palestine Qatar, Syrie, Tunisie et Yémen.
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![]() LA PEINE DE MORT AU MOYEN-ORIENT EN 2021
ALGÉRIE En Algérie, en février, le tribunal criminel de Dar El Beïda, à Alger, a condamné à mort huit hommes, dont sept par contumace, après les avoir déclarés coupables d’avoir enlevé, torturé et décapité un guide de haute montagne français en 2014. Le procès n’a duré qu’une journée, ce qui soulève de sérieux doutes quant à son équité. Le pays, considéré par Amnistie internationale comme abolitionniste en pratique, détenait cependant toujours au moins 1 000 personnes se trouvant sous le coup d’une condamnation à mort. ARABIE SAOUDITE Lire notre page sur l'Arabie saoudite. BAHREÏN À Bahreïn, la Cour de cassation a annulé la déclaration de culpabilité d’un homme qui avait été condamné à mort en 2019 par une juridiction pénale pour avoir assassiné son beau-frère un an auparavant. La Cour a pris cette décision en se fondant sur un rapport d’expertise indiquant que cet homme était atteint de troubles bipolaires. Elle a ordonné son internement dans un établissement psychiatrique. ÉGYPTE Même si en Égypte le nombre d’exécutions recensées a baissé de 22 % (passant de 107 en 2020 à 83 en 2021), le pays continuait de figurer parmi les États dans le monde qui procédaient au plus grand nombre d’exécutions. Au moins huit des personnes exécutées étaient des femmes. Certains condamné·e·s ont été exécutés en secret, leurs proches étant délibérément privés d’informations et de la possibilité de leur rendre une dernière visite, en violation du droit égyptien. Parallèlement, au moins 356 personnes ont été condamnées à mort par des tribunaux égyptiens en 2021, ce qui représente une augmentation de 34 % par rapport au chiffre fourni par Amnistie internationale en 2020 (au moins 264), et constitue le nombre le plus élevé de condamnations à mort qu’Amnistie internationale a pu recenser à travers le monde en 2021. Le 25 octobre, le président Abdel Fattah al Sissi a annoncé qu’il ne prolongerait pas l’état d’urgence qu’il avait instauré en 2017. Cette décision va, à terme, mettre fin aux procès tenus devant les cours de sûreté de l’État (CSE), qui ont été instaurées par la législation d’exception et ont notamment prononcé des condamnations à mort à l’issue de procès d’une iniquité flagrante. Toutefois, si la levée de l’état d’urgence implique que les autorités ne pourront plus porter de nouvelles affaires devant les CSE, il n’en reste pas moins que les procès en cours vont continuer de se dérouler devant ces juridictions. Au moment de la levée de l’état d’urgence, au moins 36 hommes risquaient d’être exécutés du fait de leur condamnation à mort, non susceptible de recours, par des CSE à la suite de procès iniques, et d’autres faisaient l’objet de procédures devant des CSE pour des infractions emportant la peine de mort. En juillet, une CSE siégeant à Rosette s’est fondée sur des « aveux » obtenus sous la torture pour déclarer 16 hommes coupables d’avoir participé au meurtre d’un policier et à d’autres violences, et les a condamnés à mort. Le 4 juillet, Moataz Hassan, étudiant en ingénierie âgé de 27 ans originaire d’Alexandrie, a été exécuté à la prison d’appel du Caire ; il avait été déclaré coupable de l’homicide de deux policiers et de tentative de meurtre sur d’autres fonctionnaires, et condamné à mort par une CSE en juin 2020. Arrêté en avril 2018, un mois après les faits, il avait été soumis à une disparition forcée pendant deux mois, jusqu’à ce qu’une vidéo dans laquelle il faisait des « aveux » soit diffusée en juin 2018 par des médias d’État. Le 9 mai, les autorités ont exécuté en secret une autre personne qui avait été soumise à la torture en vue de lui arracher des « aveux » : Wael Tawadros, connu sous le nom de père Isaiah, moine déclaré coupable en avril 2019 par le tribunal pénal de Damanhour du meurtre de l’évêque Anba Epiphanius, et condamné à mort. Le tribunal avait fondé son verdict de culpabilité sur ses « aveux » obtenus sous la torture. Dans une déclaration enregistrée sur support vidéo qui a été fournie au tribunal et qu’Amnistie internationale a visionnée, Wael Tawadros décrit les tortures qui lui ont été infligées par les forces de sécurité, expliquant notamment qu’il a été soumis à une disparition forcée, dénudé, battu et soumis à des décharges électriques. La Cour de cassation a pourtant confirmé en juillet 2020 sa déclaration de culpabilité et sa peine. Les autorités ont continué de procéder à des exécutions multiples à la suite de procès collectifs entachés d’irrégularités flagrantes. De par leur nature même, les procès collectifs rendent impossible la conduite d’une procédure équitable pour chacun·e des accusé·e·s quand des dizaines voire des centaines de personnes sont jugées simultanément – une injustice encore plus grave lorsque ces procès aboutissent à des condamnations à mort. Les droits relatifs à l’équité des procès ont été violés de bien d’autres façons lors des procès collectifs. Le 26 avril, pendant le mois de ramadan, les autorités égyptiennes ont exécuté neuf personnes, dont un homme de 82 ans. Celles-ci faisaient partie des 183 personnes initialement condamnées à mort par le tribunal pénal de Guizeh en 2014 lors d’un seul et même procès portant sur l’attaque du poste de police de Kerdasa en août 2013, au cours de laquelle 13 policiers avaient été tués. La procédure a également été entachée par le fait que les accusés ont été privés de contacts avec leurs avocats et forcés à faire des « aveux ». Pourtant, lors d’un nouveau procès qui s’est tenu en 2017 devant le tribunal pénal du Caire, 20 des accusés ont cette fois encore été condamnés à mort, et ces peines capitales ont été confirmées en septembre 2018 par la Cour de cassation égyptienne202. Deux jours après cette exécution collective, le 28 avril, huit autres hommes condamnés à mort dans la même affaire ont été exécutés. Le 14 juin, la Cour de cassation a commué en réclusion à perpétuité les sentences capitales prononcées contre 31 hommes en 2018 pour leur implication présumée dans la dispersion meurtrière du sit-in de la place Rabaa al Adawiya et dans d’autres violences politiques en juillet et en août 2013. La Cour a en revanche confirmé la condamnation à mort de 12 autres hommes, parmi lesquels plusieurs figures emblématiques des Frères musulmans. La chambre spécialisée dans les affaires de terrorisme du tribunal pénal du Caire les avait dans un premier temps déclarés coupables en septembre 2018, à l’issue d’un procès collectif inique engagé contre 739 personnes. Le tribunal pénal du Caire et la Cour de cassation n’ont pas établi la responsabilité pénale individuelle de ces personnes ni ordonné d’enquêtes sur les allégations formulées par les accusés selon lesquelles ils avaient été soumis à une disparition forcée et à la torture après leur arrestation. Leurs avocats ont dénoncé le fait qu’on leur avait interdit de s’entretenir avec leurs clients en privé, de procéder au contre-interrogatoire des témoins et d’appeler à la barre des témoins de la défense. ÉMIRATS ARABES UNIS Les Émirats arabes unis ont repris les exécutions. Un homme a été mis à mort, alors qu’aucune exécution n’avait été enregistrée au cours des trois années précédentes. De plus, le nombre de condamnations à mort a augmenté, passant à au moins neuf contre au moins quatre en 2020. IRAN Seul pays au monde, hormis la Chine, qui procède à des centaines d'exécutions année après année. Lire notre page sur l'Iran. |
IRAK Le nombre d’exécutions recensées en Irak a chuté, passant de 45 en 2020 à 17 en 2021. Toutefois, aucune modification de la politique ni de la législation du pays n’a été annoncée publiquement, et cette baisse pourrait résulter de la période de grande instabilité politique qu’a connue le pays pendant la majeure partie de l’année, qui pourrait avoir ralenti le processus d’approbation par l’exécutif des condamnations à mort. La Constitution irakienne prévoit en effet que le président irakien doit confirmer les sentences capitales pour qu’elles puissent être appliquées. En revanche, le nombre de personnes condamnées à mort a nettement augmenté, s’élevant à au moins 91, c’est-à-dire trois fois plus qu’en 2020 (au moins 27). Cette hausse pourrait venir du fait que les tribunaux ont repris une activité normale après le ralentissement dû à la pandémie de COVID-19. L’Irak a continué de se placer en tête des pays présentant le plus grand nombre de condamné·e·s à mort recensés par Amnistie internationale, avec un total de plus de 8 000 calculé sur la base des statistiques officielles. Ce nombre est peut-être en réalité encore plus élevé : un rapport publié en août 2021 par la Mission d’assistance des Nations unies pour l’Irak (MANUI) fait en effet état d’un courrier du ministère irakien de la Justice indiquant qu’en novembre 2020 « 11 595 personnes condamnées à mort » étaient détenues dans les établissements placés sous son autorité207. Le gouvernement régional du Kurdistan a indiqué à Amnistie internationale qu’aucune exécution n’avait eu lieu dans cette région en 2021. Trente-sept personnes y ont été condamnées à mort, et les sentences capitales de six autres personnes ont été commuées en réclusion à perpétuité par la Cour d’appel du Kurdistan208. JORDANIE Si aucune exécution n’a été recensée en Jordanie, le nombre de condamnations à mort enregistrées dans le pays a considérablement augmenté, passant de deux en 2020 à 11 en 2021. Cette hausse découle en grande partie d’une seule et même affaire : le 17 mars, six hommes ont été condamnés à mort, dont un par contumace. LIBAN Le Liban n’a procédé à aucune exécution depuis 2004, mais le nombre de condamnations à mort a considérablement augmenté en 2021, passant à au moins 12 alors qu’il était tombé à au moins deux en 2020. Le 5 octobre, le Tribunal militaire permanent a condamné quatre hommes à la peine de mort pour leur participation présumée à une attaque menée par le Front al Nosra, groupe armé basé en Syrie, contre des soldats libanais et syriens à Arsal, au Liban, en 2014 ; cette attaque avait fait plusieurs morts parmi les soldats des deux armées. LIBYE Le 27 mai, selon la presse, la Cour suprême de Libye a annulé la condamnation à mort de Saïf al Islam Kadhafi et de huit autres personnes, invoquant des motifs liés à l’équité des procès, et a ordonné la tenue d’un nouveau procès. MAROC ET SAHARA OCCIDENTAL Le 14 janvier, la cour d’appel de Casablanca, au Maroc, a commué une sentence capitale en une peine de 25 ans de réclusion. Cette condamnation à mort avait été prononcée en octobre 2020 à la suite d’une déclaration de culpabilité pour tentative de meurtre et pour des infractions liées au terrorisme. OMAN En juin, à l’issue de son Examen périodique universel devant le Conseil des droits de l’homme de l’ONU, le gouvernement d’Oman a pris note, sans toutefois les accepter, des recommandations formulées par d’autres États lui demandant de commuer toutes les condamnations à mort et d’abolir la peine capitale. PALESTINE Dans l’État de Palestine, aucune exécution n’a eu lieu, mais la politique en matière de peine de mort restait différenciée entre d’une part les tribunaux palestiniens de Cisjordanie, qui n’ont prononcé aucune sentence capitale, et d’autre part les juridictions contrôlées par l’administration de facto du Hamas dans la bande de Gaza, qui ont infligé au moins 21 condamnations à mort, contre au moins quatre en 2020. La grande majorité des peines capitales ont été prononcées par des tribunaux militaires, y compris contre des personnes civiles et pour des infractions sans rapport avec l’armée ou la sécurité, au titre de Code pénal révolutionnaire. Entre le 17 octobre et le 1er novembre, le tribunal militaire permanent de Gaza, contrôlé par le Hamas, aurait condamné à mort trois civils. Deux d’entre eux ont été condamnés après avoir été déclarés coupables de « communication avec des entités hostiles » en vertu du Code pénal révolutionnaire de 1979. Le troisième a été condamné à mort après avoir été déclaré coupable de trafic de substances interdites au titre de la Loi de 2013 relative aux stupéfiants et aux substances psychotropes. QATAR Au Qatar, Amnistie internationale n’a recensé aucune exécution, contrairement à 2020 où un homme avait été exécuté. SYRIE La Syrie reste presque hermétiquement fermée à toute surveillance par des observateurs indépendants, notamment en matière de droits humains, y compris en ce qui concerne le recours à la peine de mort, et ses médias sont étroitement contrôlés par le gouvernement. Amnistie internationale est extrêmement préoccupée par le fait que les autorités continuent de recourir largement à la peine de mort à l’issue de procès iniques. Une exécution collective a eu lieu le 21 octobre : les 24 personnes exécutées, dont le nom n’a pas été communiqué, avaient, selon le ministère de la Justice, été déclarées coupables d’avoir déclenché en 2020 des feux de forêt, qualifiés d’« attaques terroristes » par le ministère. TUNISIE En octobre, en Tunisie, la Coalition tunisienne contre la peine de mort (CTCPM) et 27 autres organisations ont attiré l’attention sur les répercussions disproportionnées de la peine capitale sur les femmes dans le pays. Elles ont déploré que 6 % des personnes condamnées à mort en Tunisie soient des femmes, soulignant que les faits qui leur étaient reprochés relevaient, plus souvent que chez les hommes, de la légitime défense face à des violences domestiques ou sexuelles, et que les femmes bénéficiaient moins souvent de procès équitables. La CTCPM et les autres organisations tunisiennes ont demandé aux autorités de prendre des mesures concrètes pour abolir la peine de mort. YÉMEN Les 14 exécutions recensées au Yémen sont le fait des autorités houthies de facto, qui ont également prononcé au moins 113 condamnations à mort. Les autorités yéménites reconnues par la communauté internationale ont quant à elle condamné à mort au moins 185 personnes. Dans les deux cas, la plupart des condamnations à mort ont été prononcées par contumace. L’agence de presse Saba, rattachée aux autorités houthies de facto, a annoncé que le 10 janvier, dans la région du Centre, un tribunal militaire contrôlé par les Houthis avait condamné à mort pour trahison 75 hauts responsables des forces armées yéménites, tous par contumace. Le 25 août, un tribunal militaire de la région de Marib, contrôlée par le gouvernement reconnu par la communauté internationale, a condamné à mort 173 Yéménites – tous des membres dirigeants de groupes armés houthis –, ainsi qu’un Iranien, l’ambassadeur d’Iran auprès des autorités houthies de facto, tous par contumace là aussi. Le 18 septembre, à Sanaa, neuf hommes ont été exécutés par balle publiquement place Tahrir, devant plusieurs centaines de personnes ; ces hommes avaient été condamnés à mort par le Tribunal pénal spécial contrôlé par les autorités houthies. Amnistie internationale a rassemblé des informations montrant que de graves violations des droits relatifs à l’équité des procès avaient été commises lors de procès conduits par cette juridiction, y compris dans des affaires ayant donné lieu à des condamnations à mort. Par exemple, des avocats se sont vu refuser l’accès à certaines informations, des accusés ont été jugés par contumace sans en être informés et des « aveux » obtenus sous la torture ont été retenus à titre de preuve. Les neuf hommes avaient été déclarés coupables de trahison en raison de leur implication présumée dans la mort, en 2018, d’un haut responsable houthi tué lors d’une frappe aérienne de la coalition menée par l’Arabie saoudite. Des images montrant ces neuf hommes avant et immédiatement après leur exécution ont été largement diffusées par les médias230. L’un d’eux était âgé de 17 ans seulement au moment des faits dont il a été déclaré coupable. Le 14 août, la Cour suprême placée sous l’autorité des Houthis a annulé la condamnation à mort prononcée contre Asmaa Al Omeissy, et ordonné le réexamen de cette affaire. Les autorités houthies avaient arrêté cette femme à un poste de contrôle en octobre 2016 et l’avaient par la suite accusée de trahison. Asmaa Al Omeissy et son père ont ensuite été soumis à une disparition forcée et à la torture – on leur a notamment infligé des coups et de graves humiliations –, puis elle a été déclarée coupable et condamnée à mort à l’issue d’un procès d’une iniquité flagrante devant la chambre criminelle de la Cour d’appel, pendant lequel elle n’a pas été autorisée à bénéficier d’une assistance juridique. |