![]() Par Hiroka Shoji, chercheur pour l'Asie de l'Est à Amnistie internationale Quel est le meilleur moment pour exécuter quelqu’un ? Malheureusement, cela pourrait bien être la question que se pose le gouvernement japonais en ce moment. En 2019, le pays aura un nouvel empereur pour la première fois depuis trois décennies, et les Jeux olympiques organisés l’année suivante à Tokyo marqueront le retour des Jeux d’été au Japon après une absence de plus de 50 ans. Les yeux du monde seront rivés vers l’est et l’humeur du pays sera, naturellement, festive. Cela pourrait justement être la raison pour laquelle les autorités japonaises risquent fort de procéder à plusieurs exécutions au cours des prochains mois. En évacuant ces « actualités négatives » maintenant, les festivités à venir ne seront pas assombries – c’est du moins ce qu’elles pourraient penser. Au Japon, les exécutions sont entourées de secret, si bien qu’il est impossible de prévoir avec exactitude quand l’un des 123 détenus actuellement sous le coup d’une condamnation à mort sera envoyé à la potence. Parmi les prisonniers qui risquent le plus d’être exécutés prochainement figurent 13 membres de la secte Aum Shinri-kyo (Vérité suprême d’Aum). Ils ont été condamnés pour leur rôle dans l’ignoble attentat au gaz sarin commis en 1995 dans le métro de Tokyo et pour d’autres faits. Cette attaque a fait 13 morts et des milliers de blessés souffrant des effets de ce gaz neurotoxique. Le choix de certains des « 13 d’Aum » pour les prochaines exécutions entrerait dans un schéma bien rodé. Par le passé, les ministres de la Justice ont souvent insisté sur la cruauté et le mobile égocentrique des crimes commis. Deux décennies après, beaucoup de Japonais gardent un vif souvenir de l’attentat du métro de Tokyo en raison de son ampleur sans précédent. Certains proches de victimes se sont dits indignés de ne pas avoir reçu de véritables excuses des auteurs présumés. Ces familles méritent que les responsables de l’attaque soient traduits en justice et punis pour ces crimes, mais la peine de mort n’a sa place dans aucun système judiciaire, même dans le cas présent. Ce châtiment est la forme la plus absolue de déni des droits humains : le meurtre prémédité d’un être humain, commis de sang-froid par l’État au nom de la justice. Non seulement les exécutions ne soulageraient probablement pas la douleur des familles, mais elles pourraient en plus les empêcher de recevoir les excuses qu’elles attendent. Bien que la condamnation à mort de ces 13 prisonniers soit définitive depuis plusieurs années, aucun d’entre eux n’a encore été exécuté. La législation japonaise interdit l’exécution de prisonniers tant que les jugements de tous leurs coaccusés ne sont pas définitifs. Deux membres d’Aum Shinri-kyo, Katsuya Takahashi et Naoko Kikuchi, ont passé 17 ans dans la clandestinité, jusqu’en 2012, peut-être dans l’espoir que la vie de leurs coaccusés soit épargnée. Cependant, la Cour suprême ayant confirmé l’acquittement de Naoko Kikuchi en décembre 2017 et la condamnation à perpétuité de Katsuya Takahashi en janvier 2018, les autres membres de la secte condamnés à mort risquent maintenant d’être exécutés d’un moment à l’autre. La ministre de la Justice pourrait signer leur ordre d’exécution malgré le fait que plusieurs d’entre eux ont engagé une procédure en vue d’obtenir un nouveau procès. Le dépôt d’un recours contre une condamnation ne garantit plus un sursis au Japon. Sur les quatre prisonniers exécutés en 2017, trois avaient entamé une procédure pour être jugés à nouveau. Il s’agit d’une des multiples violations flagrantes des dispositions juridiques et des normes internationales concernant l’application de la peine de mort dans le pays. Dans la plupart des cas, les prisonniers ne sont informés de leur mise à mort que quelques heures auparavant, mais il arrive également qu’ils ne soient pas prévenus du tout. Les détenus condamnés à mort sont maintenus à l’isolement, dans l’angoisse de ne jamais savoir quand ils vont être conduits à la potence – parfois pendant plusieurs décennies. En général, les familles ne sont averties qu’après l’exécution. Il n’existe aucun moyen de savoir qui pourrait être le prochain prisonnier exécuté. Les contacts avec le monde extérieur sont limités à quelques rares visites étroitement surveillées de membres des familles, des avocats ou d’autres visiteurs autorisés. Le Japon continue de condamner à mort et d’exécuter des prisonniers atteints de déficiences mentales et intellectuelles, en violation flagrante du droit international et des normes internationales. Six psychiatres engagés par les avocats du gourou de la secte, Chizuo Matsumoto, ont exprimé leur inquiétude quant à la dégradation de sa santé mentale provoquée par sa détention dans le couloir de la mort. Il est d’autant plus difficile de connaître son état de santé mentale actuel que, selon l’une de ses filles, personne de l’extérieur, pas même sa famille et ses avocats, n’a pu le rencontrer depuis 10 ans. S’opposer à la peine de mort, ce n’est pas affirmer que les responsables présumés d’actes violents, tels que les auteurs de l’attentat du métro de Tokyo, ne doivent pas avoir à répondre de leurs actes. C’est demander aux gouvernements de consacrer leurs ressources à des mesures préventives, dotées d’une vision à long terme, pour traiter le problème par la racine. Enterrer en silence ces 13 personnes ne rendra pas notre société plus sûre. Cela n’aidera pas à déterminer ce qui a permis qu’une telle secte prospère dans la société japonaise, ni pourquoi ses membres se sont laissés entraîner par un gourou charismatique aux idées dangereuses. La marque d’une société civilisée est de reconnaître les droits de toutes les personnes, même celles qui sont responsables de crimes atroces. Les organisateurs des Jeux olympiques de Tokyo veulent « promouvoir des mesures qui laisseront un héritage durable pour les futures générations ». Il est temps que le peuple japonais reconsidère la question de savoir si le pays veut laisser un héritage de brutalité à la prochaine génération. Un homicide approuvé par l’État est cruel et inhumain dans tous les cas, mais procéder à des exécutions maintenant, en prévision de l’année prochaine, quand le monde aura les yeux braqués sur le Japon, serait faire preuve d’un niveau inouï de cynisme et d’un effrayant mépris pour la vie humaine.
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![]() Les autorités singapouriennes doivent renoncer immédiatement à exécuter un homme condamné à mort au titre des lois répressives relatives aux stupéfiants. Les proches d’Hishamrudin Bin Mohd ont été informés cette semaine que son exécution était prévue pour vendredi 16 mars. Il avait été automatiquement condamné à mort pour détention de presque 35 grammes de diamorphine à des fins de trafic. « Cette exécution doit être immédiatement annulée. Les autorités singapouriennes ont deux jours pour prendre la bonne décision et éviter que la cruelle législation relative aux stupéfiants ne coûte la vie à une personne de plus », a déclaré James Gomez, directeur régional pour l’Asie du Sud-Est et le Pacifique à Amnistie internationale. « La peine de mort est toujours une violation des droits humains, mais les condamnations à mort automatiques rendent le recours à ce châtiment encore plus révoltant. Ces lois empêchent les tribunaux de tenir compte des circonstances de l’infraction commise et de la situation de l’accusé. » Le recours à la peine de mort pour des infractions à la législation sur les stupéfiants et l’imposition automatique de la peine capitale bafouent le droit international et les normes internationales. La cour d’appel examinera une ultime demande de sursis pour Hishamrudin Bin Mohd jeudi 15 mars. « Hishamrudin Bin Mohd a exprimé de graves préoccupations quant aux éléments de preuve sur la base desquels il a été condamné ainsi qu’à l’équité de son procès et de son appel, et il continue de clamer son innocence. L’audience du 15 mars est la dernière chance d’empêcher son exécution, et il ne faut pas la rater », a déclaré James Gomez. « Le fait que, pas plus tard que la semaine dernière, Singapour a envoyé à la potence une autre personne condamnée à mort au titre de la législation sur les stupéfiants est très inquiétant. Singapour doit instaurer immédiatement un moratoire sur la peine de mort en vue de l’abolir définitivement. Ce châtiment cruel et irréversible n’a sa place dans aucune société, comme l’ont reconnu plus des deux tiers des pays du monde. » Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances et sans aucune exception, indépendamment de la nature et des circonstances de l’infraction commise, de la situation du condamné, de sa culpabilité ou de son innocence, ou encore de la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. À ce jour, 106 pays ont aboli la peine capitale pour toutes les infractions, et plus des deux tiers des pays du monde sont abolitionnistes en droit ou en pratique. COMPLÉMENT D’INFORMATION Le 9 mars 2018, un ressortissant ghanéen condamné automatiquement à mort en juillet 2016 pour avoir importé 1 634,90 grammes de méthamphétamine a été exécuté. Ho Duy Hai a été condamné à mort en 2008 après avoir été déclaré coupable de pillage de biens et de meurtre. En 2015, la Commission des Affaires judiciaires de l'Assemblée nationale a demandé le réexamen de son cas après avoir découvert de graves erreurs de procédure dans cette affaire. Le 7 décembre, le responsable du parquet de Long An a insisté, lors d'un discours à la télévision, pour que son exécution soit accélérée.
Ho Duy Hai a été arrêté en mars 2008, et neuf mois plus tard il a été déclaré coupable par la cour populaire de Long An de pillage de biens et de meurtre, et condamné à cinq ans d'emprisonnement et à la peine de mort respectivement pour ces infractions. Il est incarcéré dans le centre de détention provisoire de Long An (province de Long An, dans le sud du Viêt-Nam). Le centre de détention de Long An a dans un premier temps interdit à la mère de Ho Duy Hai de rendre visite à ce dernier en prison, mais la Direction générale n° VIII du ministère de la Sécurité publique a confirmé le 27 novembre 2015 qu'elle avait le droit de lui rendre visite. Elle n'a d'abord été autorisée qu'à lui rendre une visite de 15 minutes, mais il lui est maintenant permis de lui parler pendant 30 minutes, une fois par mois, et 10 gardiens au moins, se tenant au fond de la pièce, écoutent leurs conversations. Elle continue d'être obligée de signer un document par lequel elle s'engage à ne pas parler de l'affaire. Malgré les inquiétudes concernant une grave dégradation de son état de santé, qui a causé une très importante perte de poids, Ho Duy Hai n'a pas été soigné par un médecin depuis son incarcération. Depuis l'audience d'appel du 28 avril 2009, ses avocats ne sont toujours pas autorisés à prendre contact avec lui en prison. L'exécution de Ho Duy Hai était fixée au 5 décembre 2014, mais le chef de l'État vietnamien de l'époque, Truong Tan Sang, a suspendu cette exécution la veille du jour où elle devait avoir lieu. Le 10 février 2015, la Commission des Affaires judiciaires de l'Assemblée nationale, qui est chargée de mener des enquêtes sur les allégations d'erreur judiciaire, a rendu son rapport à la suite du réexamen de cette affaire ; elle est parvenue à la conclusion que les décisions des juridictions de première instance et d'appel n'ont ni l'une ni l'autre tenu compte de ses alibis et des éléments de preuve disculpatoires, et qu'elles sont entachées de graves violations des règles de procédure pénale. Elle a demandé que cette affaire soit rejugée conformément à l'article 273 du Code de procédure pénale. Le 7 décembre 2017, le responsable du parquet de Long An a une fois de plus insisté, lors d'une réunion du conseil provincial auxquels participaient des représentants de l'État et de la province, pour que les autorités procèdent à son exécution, au motif de tout retard concernant cette exécution portait « préjudice à la sécurité de la population locale ». L'exécution ne peut avoir lieu que si la recommandation du responsable de la province est approuvée au niveau de l'État. DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS (en anglais, en vietnamien ou dans votre propre langue) : - Demandez aux autorités d'annuler la déclaration de culpabilité et la condamnation à mort prononcées contre Ho Duy Hai, car ces décisions résultent d'une procédure qui n'a pas respecté les dispositions des normes internationales relatives à l'équité des procès et contre laquelle il n'a pas pu engager de recours devant la Cour populaire suprême ; - priez-les instamment de veiller à ce qu'il soit protégé contre la torture et toute autre forme de mauvais traitements et à ce qu’il puisse fréquemment et régulièrement prendre contact avec sa famille et avec son avocat et bénéficier de soins médicaux adéquats, et à ce qu'il bénéficie d'un nouveau procès sans recours à la peine de mort ; - engagez-les à instaurer immédiatement un moratoire sur toutes les exécutions en vue d'abolir la peine capitale, conformément à six résolutions adoptées par l’Assemblée générale des Nations unies depuis 2007. ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 24 AVRIL 2018 À : Chef de l'État Trần Đại Quang Số 2 Hùng Vương, Ba Đình Hà Nội, Viêt-Nam Télécopieur : +844 437 335 256 Courriel : webmaster@president.gov.vn Formule d’appel : Your Excellency, / Monsieur le Président, Ministre de la Sécurité publique To Lam 44 Yết Kiêu St. Hoàn Kiếm District Hà Nội, Việt Nam Télécopieur : + 844 3823 1872 (via le ministère des Affaires étrangères) Courriel : ttll.mfa@mofa.gov.vn Formule d’appel : Dear Minister, / Monsieur le Ministre, Copies à : Premier ministre Nguyễn Xuân Phúc Prime Minister’s Office Hà Nội, Việt Nam Courriel : nguoiphatngonchinhphu@chinhphu.vn Veuillez également adresser des copies aux représentants diplomatiques du Viêt-Nam dans votre pays. Ambassadeur de la République socialiste du Viêt-Nam Nguyen Duc Hoa Ambassade de la République socialiste du Viêt-Nam 555, rue Mackay Ottawa, Ontario K1M 2B2, Canada Courriel : vietnamembassy@rogers.com Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci. COMPLÉMENT D’INFORMATION Le 1 er décembre 2008, la cour populaire de Long An a déclaré Ho Duy Hai coupable de pillage de biens (article 133 du Code pénal de 1999) et du meurtre (article 93 du Code pénal de 1999) de deux employées du bureau de poste de Cau Voi, à Ho Chi Minh Ville, et elle l'a condamné à la peine de mort. L'article 55(1)(d) du Code pénal prévoit que lorsque plusieurs peines sont prononcées pour plusieurs crimes, dont une peine de mort, la somme de ces peines se résume à la peine capitale. Le 28 avril 2009, la cour d'appel de la Cour populaire suprême, à Ho Chi Minh Ville, a confirmé la déclaration de culpabilité ainsi que la peine de mort. Ho Duy Hai a demandé à plusieurs reprises à sa mère de réclamer son transfert de la prison de Long An, ce qui a incité cette dernière à penser qu'il subissait des mauvais traitements dans cette prison, d'autant plus que son état de santé s'est dégradé et qu'il a perdu beaucoup de poids. La torture et les autres mauvais traitements, notamment la détention au secret, la détention à l'isolement prolongée, les coups et la privation de soins médicaux, sont absolument interdits par le droit international, mais ils sont fréquemment pratiqués par les autorités vietnamiennes. Au Viêt-Nam, les conditions de détention sont très dures ; la nourriture et les soins médicaux sont insuffisants et ne respectent pas les obligations minimales prévues par l’Ensemble de règles minima des Nations unies pour le traitement des détenus (Règles Nelson Mandela) et par d’autres normes internationales. Les chiffres officiels relatifs au recours à la peine de mort continuent d'être classés secret d’État au Viêt-Nam. Des peines de mort continuent d'être prononcées contre des personnes déclarées coupables d'infractions liées aux stupéfiants et d'infractions économiques telles que le détournement de fonds. En 2017, les médias ont rarement fait état d'exécutions, mais Amnistie internationale estime que de nombreuses exécutions continuent d'avoir lieu chaque année. Un rapport du ministère vietnamien de la Sécurité publique publié en février 2017 a révélé pour la première fois que le Viêt-Nam se plaçait secrètement au troisième rang des pays procédant au plus grand nombre d'exécutions, avec 429 prisonniers exécutés entre le 6 août 2013 et le 30 juin 2016. Ce rapport ne présentait cependant pas une ventilation de ces chiffres par année. Il indiquait aussi que cinq nouveaux centres d’exécution par injection létale devaient être construits depuis 2013. On estimait que plus de 600 personnes se trouvaient sous le coup d’une sentence capitale à la fin de l’année 2017. En 2015, l'Assemblée nationale a approuvé des modifications du Code pénal, qui sont entrées en vigueur le 1er janvier 2018. L'article 40 du nouveau Code pénal prévoit que la “[p]eine de mort est une peine particulière infligée à des personnes qui commettent des crimes extrêmement graves portant atteinte à la sécurité nationale et à la vie humaine, ainsi que des infractions liées aux stupéfiants, des infractions liées à la corruption et d'autres crimes d'une extrême gravité définis dans ce texte ». Ces modifications ont réduit le champ d'application de la peine de mort pour certaines infractions, mais le meurtre, le détournement de fonds et les infractions liées aux stupéfiants, qui sont les infractions les plus fréquemment punies de mort, ne sont pas concernés par ces changements. Le Code pénal vietnamien ne prévoit pas l'obligation de prononcer la peine de mort pour certaines infractions, et indique explicitement des peines de substitution telles que la réclusion à perpétuité. Les tribunaux ont reçu pour instructions de tenir compte de toutes les circonstances aggravantes et atténuantes, ce qui leur permet de choisir une peine moins lourde. Les infractions à la législation sur les stupéfiants n’entrent pas dans la catégorie des « crimes les plus graves » qui seuls, au regard du droit international, peuvent emporter la peine capitale dans les pays n'ayant pas encore aboli ce châtiment. Le Viêt-Nam a ratifié la Convention contre la torture et adhéré au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP) ; il n'a toutefois ratifié aucun des Protocoles facultatifs au PIDCP. Amnistie internationale s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. ![]() Amnistie internationale condamne vivement l’exécution en octobre 2017 de Kiryl Kazachok, un condamné à mort emprisonné au Bélarus. Cette exécution n’a été révélée que récemment. Elle porte à cinq le nombre connu de condamnés exécutés en 2017 au Bélarus. Les autorités bélarussiennes ont exécuté Kiryl Kazachok alors qu’elles pratiquent un discours de plus en plus favorable à l’abolition de la peine de mort. Cette exécution a été dénoncée par le Conseil de l'Europe et par l’Union européenne. Le Bélarus ne peut pas continuer d’ignorer la dynamique abolitionniste qui existe aux niveaux régional et mondial ni demeurer le seul pays d’Europe et d’ex-Union soviétique à procéder à des exécutions. Six prisonniers restent sous la menace d’une exécution imminente dans ce pays. Au Bélarus, les exécutions ont lieu dans le plus grand secret, sans que les condamnés, leur famille ou leur avocat soient avertis. Les prisonniers ne sont pas prévenus de l’imminence de leur exécution ; on les fait sortir de leur cellule, on leur dit que le recours en grâce a été rejeté, puis on les oblige à se mettre à genoux et on leur tire une balle dans la nuque. Leur famille n’est informée que plusieurs jours, voire plusieurs semaines, après l’exécution. Conformément au Code d’application des peines, le corps n’est pas restitué à la famille et le lieu d’inhumation est tenu secret. Selon le rapporteur spécial des Nations unies sur la situation des droits de l'homme au Bélarus, « la façon dont la peine de mort est appliquée au Bélarus constitue de fait un traitement inhumain ». Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception. La peine capitale viole le droit à la vie inscrit dans la Déclaration universelle des droits de l’homme. Il s’agit du châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. L’organisation réitère ses appels au Bélarus pour qu’il adopte immédiatement un moratoire sur la peine de mort, dans la perspective de son abolition. L’exécution d’Hishamrudin Bin Mohd est prévue pour le 16 mars, une semaine après que la première exécution de 2018 à Singapour a eu lieu. Ce Singapourien a été déclaré coupable d'infractions liées aux stupéfiants et condamné automatiquement à la peine de mort en 2016. Il continue de clamer son innocence dans ce crime.
Des représentants des autorités carcérales ont déclaré lundi 12 mars à des membres de la famille d’Hishamrudin Bin Mohd que son exécution était prévue pour vendredi 16 mars, soit quatre jours plus tard. Hishamrudin Bin Mohd, un Singapourien âgé de 56 ans, a été automatiquement condamné à la peine de mort le 6 avril 2016 après qu’il a été déclaré coupable de détention de 34,96 grammes de diamorphine à des fins de trafic. Il a été débouté de son appel le 3 juillet 2017. Les tribunaux ont estimé qu’il ne remplissait pas les critères permettant aux juges de faire usage de leur pouvoir d’appréciation lors de la condamnation en vertu des modifications apportées à la Loi relative à l'usage illicite de stupéfiants, car son rôle présumé dans l’infraction a été considéré comme allant au-delà du simple transport de stupéfiants, et parce qu’il n’avait fait aucune déclaration concernant sa santé mentale dans le but de voir sa responsabilité atténuée. Hishamrudin Bin Mohd clame son innocence depuis son arrestation et affirme que les poursuites engagées contre lui étaient injustes. Durant son procès et son appel, il a déclaré avoir été agressé par des membres de la Brigade des stupéfiants lors de son arrestation, et dit que des représentants de l’État avaient disposé et falsifié des éléments de preuve l’incriminant. Selon un membre de sa famille, il a dessaisi plusieurs avocats qui lui avaient été assignés au titre de l’Aide juridictionnelle pour les infractions passibles de la peine de mort, car ils ne respectaient pas ses instructions en matière de défense, et il a fini par se représenter lui-même à son procès et durant son appel. Il a ainsi choisi de ne pas former de recours en grâce auprès de la présidente, et a plutôt essayé pendant des mois de rouvrir le cas en faisant de nouveau appel. Ces tentatives se sont avérées infructueuses, et son exécution a été programmée pour le 16 mars. Une demande de révision judiciaire a été déposée à la dernière minute, puis acceptée lundi 12 mars ; une audience doit se tenir à huis clos mercredi 14 mars. DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS, en anglais ou dans votre propre langue : - demandez aux autorités singapouriennes de renoncer immédiatement à exécuter Hishamrudin Bin Mohd et qui que ce soit d’autre ; - déplorez le recours persistant à la peine de mort à Singapour pour les infractions liées aux stupéfiants, et l’existence de la condamnation automatique à ce châtiment, qui portent tous deux atteinte au droit international et aux normes qui y sont associées ; - priez-les d’instaurer un moratoire officiel sur les exécutions et de commuer toutes les condamnations à mort, à titre de première étape vers l’abolition de la peine de mort. ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 24 AVRIL 2018 À : Présidente de Singapour Her Excellency Halimah Yacob Office of the President of the Republic of Singapore Orchard Road, Singapore 238823 Télécopieur : +65 6735 3135 Courriel : istana_feedback@istana.gov.sg Twitter : @govsingapore Formule d’appel : Your Excellency, / Madame la Présidente, Premier ministre de Singapour Lee Hsien Loong Prime Minister's Office Orchard Road, Istana Singapore 238823 Télécopieur : +65 6835 6621 Courriel : pmo_hq@pmo.gov.sg Formule d’appel : Dear Prime Minister, / Monsieur le Premier ministre, Copies à : Directeur de l'administration pénitentiaire Desmond Chin Kim Tham Changi Prison Complex Singapore Prison Service 982 Upper Changi Road North Singapore 507799 Télécopieur : +65 65420 425 Courriel : prisonfeedback@pris.gov.sg Veuillez également adresser des copies aux représentants diplomatiques de Singapour dans votre pays. Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci. COMPLÉMENT D’INFORMATION Lundi 12 mars 2018, des représentants de l’administration carcérale de Singapour ont demandé aux proches d’Hishamrudin Bin Mohd de lui rendre visite à la prison de Changi, dans l’est de l’État, le jour même. À la fin de leur visite, il leur a été annoncé que l’exécution par pendaison d’Hishamrudin Bin Mohd était prévue pour le 16 mars, et que sa famille bénéficierait d’un temps de visite plus long, jusqu’à quatre heures par jour, les trois jours précédant sa mise à mort. Les fonctionnaires ont ajouté qu’Hishamrudin Bin Mohd n’apprendrait la date de son exécution que le lendemain matin, mardi 13 mars, et que la veille de l’exécution, deux membres de la famille auraient la possibilité d’utiliser une pièce dédiée - créée par les services carcéraux en novembre 2017 - pour se reposer et attendre d’assister à la pendaison. L’administration carcérale a aussi indiqué que le corps du prisonnier serait rendu à sa famille après l’exécution. L’information concernant l’exécution imminente d’Hishamrudin Bin Mohd a été communiquée à sa famille trois jours après l’annonce par la Brigade des stupéfiants, dans les médias nationaux, de l’exécution d’un ressortissant ghanéen, vendredi 9 mars 2018. Cet homme avait été déclaré coupable d’avoir importé 1 634,90 grammes de méthamphétamine en juillet 2016, et automatiquement condamné à la peine capitale. Sa mise à mort porte à 19 le nombre d’exécutions auxquelles il est établi que Singapour a procédé depuis l’entrée en vigueur des réformes législatives de 2012. Sur ces 19 personnes, 16 étaient des hommes reconnus coupables d’infractions à la législation sur les stupéfiants. Les autorités singapouriennes ne rendent pas publiques les informations relatives aux exécutions programmées, se limitant à faire occasionnellement des annonces officielles sur les exécutions, après qu’elles ont eu lieu. Depuis l’adoption des modifications de la Loi relative à l’usage illicite de stupéfiants (2012) et du Code pénal (14 novembre 2014), les tribunaux de Singapour ont désormais la possibilité de ne pas imposer la peine de mort dans certains cas. Dans les affaires de stupéfiants, les prévenus peuvent échapper à ce châtiment s'ils ne sont impliqués que dans le transport, l’expédition ou la livraison d’une substance illicite (en tant que « mules »), à condition que le parquet puisse certifier de leur coopération avec la Brigade des stupéfiants dans ses opérations de lutte contre la drogue. Dans tous les autres cas, ce châtiment reste obligatoire. Dans son récent rapport intitulé Cooperate or Die (https://www.amnesty.org/fr/documents/act50/7158/2017/en/), Amnistie internationale a indiqué que les avocats et les juges sont uniquement informés de la décision du parquet concernant cette coopération et ne savent donc pas comment cette assistance a été fournie. L’imposition obligatoire de la peine de mort porte atteinte au droit international. Le Comité des droits de l’homme des Nations unies a indiqué que « la condamnation automatique et obligatoire à la peine de mort constitue une privation arbitraire de la vie, en violation du paragraphe 1 de l’article 6 du Pacte international relatif aux droits civils et politiques, dans des circonstances où la peine capitale est prononcée sans qu’il soit possible de prendre en considération la situation personnelle de l’accusé ou les circonstances ayant entouré le crime en question ». Aux termes du droit international, le recours à la peine de mort doit être limité aux « crimes les plus graves ». À de nombreuses reprises, le Comité des droits de l’homme de l’ONU a établi que les infractions à la législation sur les stupéfiants ne relevaient pas des « crimes les plus graves », un constat confirmé par le rapporteur spécial des Nations unies sur les exécutions extrajudiciaires, sommaires et arbitraires et par le rapporteur spécial des Nations unies sur la torture et autres peines ou traitements cruels, inhumains ou dégradants. Amnistie internationale s’oppose en toutes circonstances et sans aucune exception à la peine de mort, quelles que soient la nature et les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation de la personne condamnée, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. À ce jour, plus de 106 États ont aboli la peine de mort pour tous les crimes, et plus des deux-tiers des pays du monde ont aboli ce châtiment en droit ou en pratique. Le 3 mars, le procureur de l'affaire de la « dispersion de Rabaa » a requis la peine de mort contre Mahmoud Abu Zeid, également connu sous le nom de « Shawkan », et contre les 738 autres personnes accusées dans cette affaire. La prochaine audience aura lieu devant le Tribunal pénal du Caire le 17 mars.
Le 3 mars, lors d'une audience du procès du photojournaliste et prisonnier d'opinion égyptien Mahmoud Abu Zeid, plus connu sous le nom de « Shawkan », le procureur a requis la peine de mort contre tous les accusés, y compris Shawkan. Lors de la prochaine audience, fixée au 17 mars, la défense pourra présenter ses arguments. Âgé de 29 ans, ce photojournaliste fait l’objet d’un procès collectif, en même temps que 738 autres personnes, dont des dirigeants de premier plan du mouvement des Frères musulmans. Il est poursuivi pour vingt-quatre infractions, y compris pour homicide. Jusqu’ici, l’accusation n’a pas produit d’éléments suffisants pour prouver que Mahmoud Abu Zeid est coupable des faits qui lui sont reprochés. Amnistie internationale considère cet homme comme un prisonnier d’opinion. La famille de Mahmoud Abu Zeid a indiqué à Amnistie internationale qu’une hépatite C lui avait été diagnostiquée avant qu’il ne soit arrêté, le 14 août 2013, et que sa santé se dégradait en prison. Cependant, le 20 mai 2017, le procureur a présenté au tribunal pénal du Caire le compte rendu établi par l'Autorité médicolégale sur l'état de santé de Shawkan. D'après ce document, Shawkan ne souffre d'aucune maladie et est en « très bonne » santé. Au cours de la même audience, le juge a ordonné une enquête sur les allégations formulées par plusieurs détenus, dont Mahmoud Abu Zeid, selon lesquelles l'administration pénitentiaire leur a infligé des mauvais traitements non seulement en les soumettant à des agressions physiques, mais aussi en les privant de médicaments et d’articles de toilette. DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS, en arabe, en anglais ou dans votre propre langue : - exhortez les autorités égyptiennes à abandonner toutes les charges pesant sur Mahmoud Abu Zied et à libérer cet homme immédiatement et sans condition, car il s’agit d’un prisonnier d’opinion détenu uniquement pour avoir exercé son droit à la liberté d’expression ; - demandez-leur, dans l’attente de sa libération, de faire le nécessaire pour que Mahmoud Abu Zeid ne soit ni torturé, ni soumis à d’autres mauvais traitements, et de lui fournir tous les soins médicaux dont il pourrait avoir besoin ; - engagez-les à diligenter une enquête indépendante et impartiale sur les allégations indiquant qu'il a été soumis à des actes de torture et à d'autres mauvais traitements en détention, et à traduire les responsables présumés en justice dans le cadre de procédures équitables excluant le recours à la peine de mort. ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 24 AVRIL 2018 À : Président Abdel Fattah al-Sisi Office of the President Al Ittihadia Palace Cairo, Égypte Télécopieur : +202 2391 1441 Courriel : p.spokesman@op.gov.eg Twitter : @AlsisiOfficial Formule d’appel : Your Excellency, / Monsieur le Président, Ministre de l’Intérieur Magdy Abdel Ghaffar Ministry of Interior Fifth Settlement, New Cairo Égypte Télécopieur : +202 2794 5529 Courriel : center@moi.gov.eg Twitter : @moiegy Formule d’appel : Your Excellency, / Monsieur le Ministre, Copies à : Adjoint au ministre des Affaires étrangères, chargé des droits humains Ahmed Ihab Gamal Eldin Ministry of Foreign Affairs Corniche al-Nil, Cairo Égypte Télécopieur : + 202 2574 9713 Courriel : Contact.us@mfa.gov.eg Twitter : @MfaEgypt Veuillez également adresser des copies aux représentants diplomatiques de l’Égypte dans votre pays. Ambassadeur de la République arabe d'Égypte Moataz Mounir Moharram Zahran Ambassade de la République arabe d'Égypte 454, avenue Laurier Est Ottawa, Ontario K1N 6R3, Canada Télécopieur : (613) 234-9347/234-4398 Courriel : egyptemb@sympatico.ca Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci. Ceci est la treizième mise à jour de l’AU 243/14. Pour plus d'informations : https://www.amnesty.org/fr/documents/mde12/6903/2017/fr/. COMPLÉMENT D’INFORMATION Après l’éviction de Mohamed Morsi le 3 juillet 2013, Mahmoud Abu Zeid a commencé à prendre des photos d'un sit-in de grande envergure organisé par des sympathisants de l’ancien président sur la place Rabaa al Adawiya (quartier de Nasr City) dans la capitale de l’Égypte, Le Caire. Les forces de sécurité égyptiennes ont eu recours à une force excessive pour disperser ce sit-in le 14 août 2013, tuant plusieurs centaines de personnes. Huit membres des forces de sécurité ont aussi perdu la vie dans les échauffourées qui ont suivi. La police a arrêté Shawkan le 14 août 2013, alors qu’il réalisait une mission pour l'agence photographique Demotix, basée à Londres. Deux journalistes étrangers ont également été arrêtés en même temps que lui, mais ils ont été libérés le jour même. L’agence Demotix a informé le ministère public que Mahmoud Abu Zeid effectuait une mission pour elle, mais les autorités égyptiennes l’ont tout de même maintenu en détention. Mahmoud Abu Zeid a indiqué à Amnistie internationale que des policiers et des militaires l’avaient maltraité pendant son premier jour de garde à vue et le 17 août 2013, lors de son transfert d’une cellule surpeuplée d’un poste de police du Caire à la prison d’Abu Zaabal, dans la même ville. Selon sa lettre, publiée par Amnistie internationale le 5 avril, les agents l’ont frappé à coups de pied, de poing et de matraque. À son arrivée à la prison d’Abu Zaabal, ils l’ont également laissé enfermé pendant huit heures d’affilée dans un véhicule en stationnement, sans nourriture, sans eau et sans aération, alors que la température dépassait les 30 °C. Dans sa lettre, il qualifiait sa détention illimitée de « psychologiquement insupportable ». (La lettre de Shawkan figure dans le document suivant : Emprisonné depuis 600 jours pour avoir pris des photos : un témoignage poignant envoyé depuis une cellule de la prison de Tora, en Égypte, 5 avril 2015 ; https://www.amnesty.org/fr/latest/news/2015/04/600-days-in-jail-fortaking-pictures/). Shawkan a été transféré au centre pénitentiaire de Tora, au Caire, en décembre 2013. Il y est toujours incarcéré. Le cas de Shawkan a été mis en avant dans le cadre de la campagne Écrire pour les droits d’Amnistie internationale en décembre 2016, durant laquelle des personnes du monde entier ont envoyé des lettres de solidarité et des appels aux autorités. Au moins 445 590 signataires du monde entier ont demandé la libération de Shawkan pendant cette campagne. Le 21 octobre 2016, le Groupe de travail des Nations unies sur la détention arbitraire a publié un avis dans lequel il appelait les autorités égyptiennes à « libérer immédiatement » Shawkan et à « lui accorder un droit exécutoire à réparation ». Ce groupe considère que l’arrestation et la privation de liberté de Shawkan sont arbitraires et contraires aux droits et libertés garantis par la Déclaration universelle des droits de l’homme et le Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP). La détention de Shawkan, qui dure maintenant depuis près de cinq ans, n’est pas conforme au droit égyptien. En effet, elle dépasse largement la limite de deux ans d'incarcération prévue par l'article 143 du Code de procédure pénale égyptien pour les personnes encourant la réclusion à perpétuité ou la peine de mort. La détention de Shawkan, illégale en vertu de cet article, est un nouvel affront aux droits humains en Égypte. Les audiences du procès de Shawkan ont été ajournées par le tribunal plus de 50 fois, principalement en raison du nombre de personnes jugées. Les procès collectifs de cette nature sont incompatibles avec le droit à un procès équitable. Les autorités égyptiennes ont empêché à maintes reprises les avocats de Shawkan d’accéder à des documents essentiels liés à l'affaire. L’Égypte est partie au PIDCP, dont l'article 9 interdit le recours à la détention arbitraire. L'article 19 de ce traité garantit par ailleurs le droit à la liberté d’expression, en d’autres termes, le droit de rechercher, de recevoir et de diffuser des informations et des idées. Son article 14 garantit le droit de faire entendre sa cause équitablement et publiquement par un tribunal compétent, indépendant et impartial, établi par la loi. Cet article reconnaît en outre le droit, pour toute personne accusée d'une infraction pénale, à être informée dans le plus court délai de la nature et des motifs de l'accusation portée contre elle, à disposer du temps et des facilités nécessaires à la préparation de sa défense, à être présente au procès et à interroger ou faire interroger les témoins à charge. Carlton Gary, âgé de 67 ans, doit être exécuté en Géorgie le 15 mars à 19 heures, après avoir passé 32 ans dans le couloir de la mort. À l’issue de son procès en 1986, il a été reconnu coupable des meurtres de trois femmes, qui faisaient partie d’une série de crimes similaires commis en 1977 et 1978 d’après les éléments soumis au jury.
Après moins d’une heure de délibération, le 26 août 1986, un jury a déclaré Carlton Gary, un Afro-Américain de 35 ans, coupable des cambriolages, des viols et des meurtres de Florence Scheible (89 ans), Martha Thurmond (69 ans) et Kathleen Woodruff (74 ans), toutes trois tuées à leur domicile à la fin de l’année 1977. Le parquet a affirmé que l’accusé – surnommé l’« étrangleur au bas en nylon » – avait commis ces crimes et six autres attaques contre des femmes dans le même quartier de la ville de Columbus (ouest de la Géorgie) entre septembre 1977 et avril 1978. Il n’a pas été poursuivi dans les autres affaires, mais le parquet a utilisé comme éléments à charge les similitudes entre ces cas, en soulignant notamment que toutes les victimes étaient des femmes blanches, âgées de 55 ans ou plus, et que toutes avaient été étranglées à leur domicile. Le principal témoin de l’accusation était la seule victime des attaques ayant survécu, Gertrude Miller, qui a identifié Carlton Gary au tribunal comme l’homme qui l’avait violée le 11 septembre 1977. Le parquet a insisté sur cette identification dans son réquisitoire. La théorie de l’accusation était et continue d’être qu’il n’y avait qu’un seul « étrangleur au bas en nylon » et que c’était Carlton Gary. À l’issue d’une brève audience consacrée à la détermination de la peine, le 27 août 1986, le jury a condamné Carlton Gary à la peine de mort. La date d’exécution a par la suite été fixée à décembre 2009. Quelques heures avant l’exécution, la cour suprême de Géorgie a prononcé un sursis et ordonné des tests ADN. En 2012, les analyses ont révélé que les traces de sperme relevées sur les vêtements de nuit de Gertrude Miller ne correspondaient pas au profil ADN de Carlton Gary, ce qui montrait que son identification formelle de cet homme devant le jury était erronée. La seule des trois femmes qu’il était accusé d’avoir tuée et pour laquelle un échantillon d’ADN viable a été obtenu était Martha Thurmond. Le parquet affirmait que les éléments de preuve d’ordre biologique avaient été détruits, mais ils ont été retrouvés lors des procédures en appel. Cependant, le laboratoire chargé des tests ADN après le sursis prononcé en 2009 a contaminé le seul échantillon disponible, ce qui a causé la destruction complète d’éléments qui auraient pu disculper Carlton Gary. En 2012, les avocats de Carlton Gary ont déposé une requête en vue d’obtenir un nouveau procès, en mettant en avant ce problème et d’autres concernant les éléments à charge présentés contre leur client. Après plusieurs audiences consacrées à l’examen des éléments du dossier, le tribunal de première instance a rejeté la requête en 2017. Le 1er décembre 2017, la cour suprême de Géorgie a refusé d’examiner le dossier et, le 16 janvier 2018, elle a rejeté une requête lui enjoignant de reconsidérer sa décision. Le 9 mars 2018, les avocats ont déposé un recours devant la Cour suprême des États-Unis pour solliciter un examen des questions constitutionnelles soulevées depuis la demande de nouveau procès, qui n’a fait l’objet d’aucun examen par la justice fédérale. Ils tentent d’obtenir un sursis pour que cet examen puisse se dérouler sans la pression d’une date d’exécution imminente. L’ordre d’exécution est valide du 15 au 22 mars 2018. Le directeur de l’administration pénitentiaire a programmé l’exécution pour le 15 mars à 19 heures. Le comité des grâces et des libérations conditionnelles examinera la demande de grâce le 14 mars. Les avocats de Carlton Gary demandent la commutation de sa condamnation à mort, en soutenant que l’état actuel des éléments du dossier montre que la théorie du parquet lors du procès « n’était en réalité pas fiable ». DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS, et que vous rédigerez (en anglais ou dans votre propre langue) en utilisant vos propres mots : - appelez le comité des grâces et des libérations conditionnelles à commuer la condamnation à mort de Carlton Gary ; - exprimez votre préoccupation concernant la destruction de matériel ADN qui aurait pu le disculper et soulignez que les tests ADN précédemment effectués ont révélé que le principal témoin de l’accusation lors du procès s’était trompé en identifiant l’accusé comme l’auteur de son agression ; - expliquez que vous ne cherchez aucunement à minimiser la gravité des crimes dont il est question dans cette affaire. ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 15 MARS 2018 À : Comité des grâces et des libérations conditionnelles : State Board of Pardons and Paroles 2 Martin Luther King, Jr. Drive, SE uite 458, Balcony Level, East Tower Atlanta, Georgia 0334-4909, États-Unis Courriel : webmaster@pap.ga.gov Télécopieur : +1 404 651-6670 Formule d’appel : Dear Board members, / Mesdames, Messieurs, Veuillez également adresser des copies aux représentants diplomatiques des États-Unis dans votre pays. Ambassadrice des États-Unis Ambassadrice Kelly Knight Craft Ambassade des États-Unis 490, chemin Sussex Ottawa, Ontario K1N 1G8, Canada Télécopieur : 613-688-3082 Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci. COMPLÉMENT D’INFORMATION Une série de meurtres de femmes dans le quartier de Wynnton à Columbus, deuxième ville de Géorgie, a eu lieu entre la fin de l’année 1977 et le mois d’avril 1978. En 1984, personne n’avait encore été inculpé pour ces faits, jusqu’à l’arrestation de Carlton Gary en mai 1984. Le jury de son procès a été informé qu’il avait tenu devant la police des propos dans lesquels il s’accusait des crimes, mais il n’existe aucune déclaration signée ou enregistrée de ce type. Un précédent suspect avait livré de faux « aveux » détaillés concernant les crimes ; ce n’était qu’une fois que les meurtres avaient continué après son arrestation qu’il avait été remis en liberté. Les avocats qui défendent Carlton Gary en appel ont remis en cause les « aveux » supposés de leur client ainsi que les relevés d’empreintes digitales utilisés pour l’incriminer. Ils ont également mis en avant le « déséquilibre des forces » dans ce procès complexe. Leur récent recours devant la Cour suprême rappelle que Carlton Gary était assisté lors de son procès par un « avocat bénévole qui n’a pas été payé un centime pour la défense de M. Gary et à qui l’on n’a pas donné un centime pour solliciter l’aide d’experts ou enquêter, ni avant ni pendant le procès ». En revanche, « le parquet s’est appuyé sur un certain nombre d’experts avant et pendant le procès ». Une analyse du sperme prélevé sur la scène des meurtres de Florence Scheible et Martha Thurmond a été utilisée lors du procès pour incriminer Carlton Gary. Avant l’apparition des tests ADN, on utilisait des analyses reposant sur le statut de « sécréteur » ou de « non-sécréteur » (un sécréteur est une personne dont les fluides corporels, tels que la salive ou le sperme, contiennent les antigènes de son groupe sanguin). Dans ces affaires, le sperme provenait d’un non-sécréteur de groupe sanguin O, tandis que les analyses ont montré que Carlton Gary est également du groupe O mais qu’il est sécréteur. Au cours des procédures d’appel, l’avocat de première instance a déclaré qu’il n’avait pas vu les documents de travail associés à ces analyses. Un expert des analyses ADN engagé par les avocats qui défendent Carlton Gary en appel a conclu en lisant ces documents que le sperme avait été laissé par un non-sécréteur dans les affaires Scheible et Thurmond, et il a contesté le témoignage de l’expert engagé par l’accusation lors du procès, qui avait usé d’équivoques sur cette question. L’expert de la défense a également qualifié d’« incroyables » la contamination et la destruction du matériel ADN prélevé sur la scène du meurtre de Martha Thurmond. Le parquet était en possession d’une empreinte de pas provenant de la scène de l’un des meurtres pour lesquels Carlton Gary n’était pas poursuivi, mais qui a été utilisée, comme les autres meurtres dont cet homme n’était pas accusé, pour obtenir le verdict de culpabilité et la condamnation à mort. Cette empreinte, qui n’a pas été soumise à la défense lors du procès, a été laissée par une chaussure de pointure 44. Carlton Gary chausse du 48 et un podologue a affirmé sous serment qu’il était impossible que son pied entre dans une chaussure de taille 44. Lors du procès, le parquet a en outre présenté un témoignage faisant état de marques de morsure sur le corps de la dernière victime, tuée le 19 avril 1978, alors que Carlton Gary n’était pas non plus poursuivi pour ce meurtre. Un médecin légiste a indiqué sous serment qu’au cours de l’autopsie, il avait observé ce qui semblait être des marques de dents sur la poitrine de la victime. Il a affirmé qu’il n’était pas possible d’établir une comparaison fiable entre cette empreinte dentaire et les dents de l’accusé car Carlton Gary avait subi des travaux dentaires entre le moment du crime et son arrestation six ans après. Néanmoins, la défense n’a pas été informée qu’un modèle de l’empreinte dentaire avait été réalisé. Durant les procédures d’appel devant les juridictions d’État, les avocats de Carlton Gary ont pris connaissance de son existence mais n’ont pas pu déterminer où il se trouvait. Lors d’une procédure d’appel au niveau fédéral en 2005, il a finalement été retrouvé. Il est apparu que le parquet avait consulté un expert odontologiste avant le procès, sans informer la défense de cet entretien. Depuis, les avocats ont appris que, lorsque cet expert avait indiqué aux procureurs qu’il était peut-être possible de disculper un suspect sur la base d’une comparaison entre ses dents et un tel moulage, ceux-ci étaient partis et ne l’avaient plus jamais recontacté. En appel, cet expert a témoigné pour la défense en déclarant que Carlton Gary n’était « probablement pas l’auteur de la morsure ». Depuis 1973, aux États-Unis, plus de 160 erreurs judiciaires dans des affaires de crimes passibles de la peine capitale ont été découvertes, dont six en Géorgie. Depuis que la Cour suprême a approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale en 1976, 1 469 prisonniers ont été exécutés dans le pays. Sur les 70 exécutions qui ont eu lieu en Géorgie parmi celles-ci, 64 (soit 91 %) faisaient suite à des crimes où les victimes étaient blanches. Un tiers des prisonniers exécutés (23) étaient afroaméricains. Dix-sept d’entre eux avaient été condamnés à mort pour des crimes où les victimes étaient blanches. Aucune des 70 exécutions pratiquées en Géorgie ne concernait une personne blanche condamnée pour avoir tué une victime noire. Depuis le début de l’année 2018, les autorités américaines ont procédé à quatre exécutions. Amnistie internationale est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. À l’heure actuelle, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. ![]() Amnistie internationale se félicite, ce vendredi 9 mars, de la commutation de peine accordée à 14 condamnés à mort par les autorités béninoises, signe de l’engagement de ce pays en faveur de l’abolition de la peine capitale. Les prisonniers concernés – 10 Béninois, deux Nigérians, un Togolais et un Ivoirien – étaient les derniers encore détenus dans le quartier des condamnés à mort au Bénin. Ils y languissaient tous, dans des conditions sinistres, depuis 18 à 20 ans. La commutation dont ils ont bénéficié a fait suite à une décision rendue en janvier 2016 par la Cour constitutionnelle, qui a aboli, dans les faits, la peine capitale pour tous les crimes. En commuant la peine de ces hommes, le Bénin montre qu’il est résolu à remplir ses obligations au regard du Deuxième Protocole facultatif se rapportant au Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), visant à abolir la peine de mort. Il faut maintenant qu’il fasse un autre pas en avant en examinant et en modifiant sa législation de sorte que la peine de mort soit explicitement abolie sans délai. En outre, les autorités doivent veiller à ce que les détenus bénéficient d’une aide juridictionnelle qui leur permette de poursuivre tout appel en cours ou de solliciter une révision judiciaire de leur déclaration de culpabilité et à ce que leurs conditions d’incarcération soient conformes aux normes internationales relatives aux droits humains. Amnistie internationale s’oppose à la peine de mort en toutes circonstances, sans exception, quelles que soient la nature ou les circonstances du crime commis, la culpabilité ou l’innocence ou toute autre situation du condamné, ou la méthode utilisée pour procéder à l’exécution. La peine capitale est une violation du droit à la vie et constitue le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. COMPLÉMENT D’INFORMATION La dernière exécution connue au Bénin a eu lieu en 1987. En 2012, le pays a accédé au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP. En adhérant à ce traité, le Bénin s’est engagé à ne procéder à aucune exécution et à prendre toutes les mesures nécessaires pour abolir la peine capitale sur son territoire. Depuis lors, la Cour constitutionnelle béninoise a rendu deux jugements marquants sur la peine de mort. Le 4 août 2012, elle a déclaré que, en raison de l’accession du Bénin au Deuxième Protocole facultatif se rapportant au PIDCP, « aucune disposition légale ne doit plus faire état de la peine de mort » dans le pays. Le 21 janvier 2016, dans une autre affaire importante, elle a indiqué sans équivoque que l’entrée en vigueur de ce texte, auquel le Bénin a adhéré, « rend inopérantes toutes les dispositions légales prévoyant comme sanction la peine de mort ». La Cour constitutionnelle a statué qu’« aucune disposition légale figurant dans l’ordre juridique interne ne doit plus faire état de la peine de mort ; que, de même, aucune poursuite pénale engagée par une juridiction, quelle qu’elle soit, ne doit avoir comme base légale une disposition prévoyant comme sanction à l’infraction commise la peine capitale, de sorte qu’aucune personne ne peut plus désormais être condamnée au Bénin à une peine capitale ». Cette décision a, dans les faits, aboli la peine de mort pour tous les crimes au Bénin. En janvier 2017, Amnistie internationale a publié une note d’information sur la situation désespérée des 14 hommes concernés et, entre autres recommandations, a appelé les autorités béninoises à commuer leur peine capitale. En juillet 2017, l’organisation a lancé une pétition mondiale en faveur de cette commutation. Le 21 février 2018, l’État a annoncé la commutation de la peine de mort prononcée à l’encontre des 14 intéressés en une peine de réclusion à perpétuité. ![]() Deux militantes des droits humains incarcérées pour avoir défendu les droits des femmes et s'être opposées à la peine de mort sont soumises à des traitements de plus en plus durs à la prison de Shahr e-Rey, une exploitation de volailles désaffectée de la ville de Varamin, en périphérie de Téhéran, a révélé Amnistie internationale, qui demande leur libération immédiate et inconditionnelle. Atena Daemi et Golrokh Ebrahimi Iraee sont détenues dans des conditions insalubres, dans le quartier de « quarantaine » de la prison, et ont un accès très limité au monde extérieur. Dans ce quartier, les détenues ne reçoivent pas une alimentation suffisante et on leur donne à boire de l’eau salée. Golrokh Ebrahimi Iraee, qui observe une grève de la faim depuis 35 jours, est en très mauvaise santé. La semaine dernière, on lui a administré des solutés par voie intraveineuse sans son accord. Elle s'est parfois trouvée dans l'incapacité de bouger. Elle souffre de violentes crampes musculaires, qui sont une conséquence de sa grève de la faim, a confirmé le médecin de la prison. « Nous sommes très inquiets au vu des informations qui nous parviennent de la prison de Shahr e-Rey au sujet des mauvais traitements qui s'aggravent et dont Golrokh et Atena sont la cible. Les deux femmes n'auraient jamais dû être incarcérées et il semble désormais que les autorités iraniennes les soumettent à des traitements cruels, inhumains et dégradants en raison de leur militantisme affiché et parce qu'elles continuent de défendre les droits humains derrière les barreaux », a déclaré Philip Luther, directeur des recherches et des actions de plaidoyer pour le Moyen-Orient et l'Afrique du Nord à Amnistie internationale. Leur avocat a déposé plainte auprès du bureau du procureur à Téhéran, faisant valoir que le transfert à la prison de Shahr e-Rey est illégal au titre de la réglementation sur la séparation entre les différentes catégories de prisonniers et met en grand danger Golrokh et Atena, cet établissement pénitentiaire étant destiné à accueillir des femmes reconnues coupables de crimes violents. La violence prévaut, tout comme les troubles mentaux et les problèmes d'automutilation parmi les détenues. Le procureur et le procureur adjoint de la prison ont déclaré qu’ils avaient ordonné ce transfert et se moquaient de savoir s’il était légal ou non. Jusqu'à présent, ils ont refusé de répondre directement à la plainte. Le procureur adjoint a assuré que les deux femmes purgeront le restant de leurs peines à la prison de Shahr e-Rey. Atena Daemi purge une peine de sept ans d’emprisonnement en raison de son militantisme pacifique en faveur des droits humains, notamment pour avoir distribué des tracts contre la peine de mort et diffusé sur Facebook et Twitter des messages dénonçant les exécutions en Iran. Golrokh Ebrahimi Iraee purge une peine de trois ans d’emprisonnement pour avoir écrit un récit de fiction, qui n’a jamais été publié, sur la pratique de la lapidation des femmes considérées comme adultères. « Les sentences prononcées contre Atena et Golrokh défient l'entendement. Elles doivent être libérées immédiatement et sans condition. Au lieu de sanctionner ceux qui consacrent leurs vies à la cause des droits humains en Iran, les autorités devraient s'efforcer de garantir que les défenseurs de ces droits puissent agir dans un environnement sûr, sans craindre de représailles », a déclaré Philip Luther. Ces dernières semaines, Atena Daemi et Golrokh Ebrahimi Iraee se sont vu refuser l'usage du téléphone, même pour communiquer avec leurs familles. Elles n'ont le droit qu'à un appel téléphonique par semaine sous la surveillance d'un gardien. Leurs codétenues n'ont pas le droit d'avoir des relations ni de parler avec elles. Trois condamnées à mort les suivent partout, jusqu'aux toilettes et dans les douches, semble-t-il dans le but de les intimider, sur ordre des responsables de la prison. Atena Daemi et Golrokh Ebrahimi Iraee ont déclaré qu'elles portent toujours les mêmes vêtements qu’au moment de leur arrivée à la prison il y a plus d'un mois. Leurs familles n'ont pas été autorisées à leur fournir des vêtements de rechange. Selon les rapports et les informations rendus publics dont dispose Amnistie internationale, les conditions à la prison de Shahr e-Rey sont déplorables et sont loin de respecter l'Ensemble des règles minima pour le traitement des détenus. Les détenues dénoncent les cellules maculées d'urine, les douches et toilettes très sales, la grave pénurie de lits et la fréquence des maladies contagieuses. Enfin, elles dénoncent le fait qu’on leur donne une nourriture de piètre qualité, qui contient des particules de roche, ainsi que de l'eau salée, imbuvable. ![]() Par Sabrina Mahtani, spécialiste de l’Afrique de l’Ouest à Amnistie internationale Il n’y a pas si longtemps, l’abolition de la peine de mort en Gambie semblait utopique. En août 2012, sous le régime de l’ancien président Yahya Jammeh, neuf prisonniers ont été exécutés en une nuit. Ni leur famille ni leur avocat n’avaient été prévenus et l’Organisation des Nations unies (ONU) a qualifié ces homicides d’« arbitraires ». Contre toute attente, le 18 février dernier, à l’occasion du 53e anniversaire de l’indépendance du pays, le président Adama Barrow a annoncé un moratoire officiel sur les exécutions en vue de l’abolition de la peine de mort. Tardivement mais résolument, la Gambie s’apprête à abandonner ce châtiment cruel, inhumain et dégradant. Près de la moitié des 18 pays d’Afrique de l’Ouest ont désormais aboli la peine capitale. Toutefois, tous les pays ne progressent pas sur ce point et, malheureusement, certains opèrent même un retour en arrière. En 2016, le ministre sierra-léonais de l’Intérieur a ordonné publiquement de nettoyer la potence et a affirmé son soutien à la peine de mort, bien que l’ancien procureur général ait promis à l’ONU en 2014 que son pays abolirait ce châtiment. En 2017, le gouvernement a rédigé un livre blanc dans lequel il rejetait la recommandation de la Commission de révision de la Constitution en faveur de l’abolition. Ces exemples montrent qu’il est nécessaire de redoubler d’efforts sur la question de l’abolition de la peine capitale en Afrique. Les arguments qui plaident pour l’abolition sont nombreux. Tout d’abord, il n’existe aucune preuve crédible que la peine de mort soit dissuasive. Dans une publication de l’ONU datant de 2015, Jeffrey Fagan a indiqué : « Que l’infraction soit un meurtre, un crime lié aux stupéfiants ou un acte terroriste, les éléments scientifiques selon lesquels il existerait un effet dissuasif ne sont ni fiables, ni concluants et, dans bien des cas, ils sont tout simplement erronés ». Or, la peine de mort est souvent discriminatoire et frappe de manière disproportionnée les pauvres et les minorités. Les personnes exécutées ne sont pas uniquement celles qui ont commis les pires crimes, mais également celles qui sont trop pauvres pour engager des avocats qualifiés et celles qui sont confrontées à des procureurs ou à des juges particulièrement sévères. Entre 2016 et 2017, des délégués d’Amnistie internationale se sont entretenus avec 107 des 148 prisonniers sous le coup d’une condamnation à mort au Ghana. Bien que les trois quarts des détenus aient été assistés, à leur procès, d’un avocat commis par le Programme d’aide juridictionnelle, sous-financé dans ce pays, plusieurs ont déclaré que leur avocat n’avait pas été présent à toutes les audiences et qu’ils n’avaient pas eu suffisamment de temps pour s’entretenir avec lui. Un certain nombre d’entre eux ont ajouté que leur avocat leur avait demandé de le rémunérer. « Mon avocat dit qu’il ne peut pas travailler sans argent », m’a expliqué un homme. Selon l’administration pénitentiaire ghanéenne, seuls 12 condamnés à mort ont interjeté appel depuis 2006. La moitié de ces recours ont abouti. Cependant, la plupart des prisonniers sous le coup d’une condamnation à mort ignoraient qu’ils avaient le droit d’interjeter appel ou comment obtenir une aide juridictionnelle ; moins d’un quart des intéressés avaient pu former un recours. Une femme m’a signalé qu’un avocat privé avait réclamé 60 millions de cédis (soit plus de 12 000 dollars des États-Unis) pour interjeter appel. Un homme a indiqué que son appel s’était trouvé bloqué lorsque son avocat avait exigé davantage d’argent. La peine de mort est irréversible et exclut toute possibilité de réinsertion de la personne ayant commis le crime. Aucun système judiciaire n’est en mesure de décider de façon équitable, constante et infaillible qui doit vivre ou mourir. Le risque d’exécuter un innocent existera toujours. J’ai travaillé sur un appel concernant la femme qui a passé le plus de temps dans le quartier des condamnés à mort en Sierra Leone. M. K. a été arrêtée en 2003 et condamnée à mort en 2005 pour avoir tué sa belle-fille. Elle n’a bénéficié ni des conseils d’un avocat ni d’une aide juridictionnelle entre son arrestation et son procès.
Au moment de sa condamnation, elle n’a pas été informée qu’elle n’avait que 21 jours pour faire appel. De surcroît, son dossier n’a pas été envoyé au cabinet présidentiel pour être réexaminé, conformément à la législation en vigueur.
Toutefois, en novembre 2010, la cour d’appel a accepté d’examiner de nouveau l’affaire. En mars 2011, elle a donné raison aux avocats d’AdvocAid qui défendaient M. K., considérant que les diverses irrégularités de procédure constatées lors du procès invalidaient celui-ci. La déclaration de culpabilité a été annulée et M. K. a été libérée après six années passées dans le quartier des condamnés à mort. Le 22 mai 2017, la Commission africaine des droits de l’homme et des peuples a adopté une résolution sur le droit à la vie en Afrique. Dans ce texte, elle exhortait les pays ayant établi un moratoire sur les exécutions à prendre des mesures en vue de l’abolition et les autres à instaurer immédiatement un moratoire de ce type. En Afrique de l’Ouest, aucun pays anglophone n’a aboli la peine de mort, ce sont les pays francophones et lusophones qui ont pris la tête du mouvement. L’annonce faite par le président Barrow donne l’espoir que la Gambie soit le premier. Version originale publiée sur Africa Portal https://www.africaportal.org/features/why-gambias-progress-should-spur-abolition-death-penalty-africa/ |
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