![]() Le secrétaire général d’Amnesty International, Kumi Naidoo, écrit au président sri-lankais Maithripala Sirisena Le président sri-lankais, Maithripala Sirisena, doit renoncer à son projet consistant à reprendre les exécutions, après plus de 40 ans d’interruption, pour ôter la vie à au moins 13 personnes condamnées pour des infractions à la législation sur les stupéfiants, a déclaré Amnistie internationale ce jeudi 21 février. Dans une lettre ouverte publiée aujourd’hui, le secrétaire général d’Amnistie internationale, Kumi Naidoo, appelle le président Sirisena à s’acquitter des engagements internationaux pris par le Sri Lanka, à respecter le droit à la vie et à renoncer aux exécutions, dont il a été prouvé qu’elles n’ont pas d’effet dissuasif particulier. « Les exécutions, Monsieur le Président, ne sont pas une démonstration de force, mais un aveu de faiblesse », écrit Kumi Naidoo dans cette lettre ouverte. « Elles témoignent de l’incapacité à créer une société où la protection du droit à la vie l’emporte sur la tentation de la vengeance. » « Pour ceux d’entre nous qui considérons la vie humaine comme une valeur suprême, ôter la vie est l’acte le plus vil qui soit. Cela nous apparaît clairement lorsque quelqu’un commet un meurtre, mais nous choisissons de l’oublier lorsque c’est l’État qui ôte la vie à une personne, infligeant une douleur et une peine comparables à d’autres personnes qui, elles, ne sont en rien responsables du crime ». Comme l’ont démontré de nombreuses études de criminologie, la peine de mort n’a pas d’effet dissuasif particulier. Deux villes de taille comparable, Hong Kong et Singapour, ont ainsi emprunté des chemins différents. Hong Kong a aboli la peine de mort il y a plus d’un demi-siècle, alors que Singapour la maintient. Le taux d’homicides, dans les deux villes, est toutefois resté remarquablement similaire. Même dans les pays qui maintiennent la peine de mort, souligne Kumi Naidoo dans sa lettre, « il est de plus en plus reconnu que la peine de mort n’est pas un moyen de dissuasion efficace pour les infractions liées à la drogue. » La République islamique d’Iran est l’un des pays qui commettent le plus d’exécutions au monde, tuant des milliers de personnes. Conscient de ce fait, l’Iran a maintenant modifié sa législation relative aux stupéfiants, ce qui a permis de réduire considérablement le nombre d’exécutions de personnes condamnées pour des infractions liées à la drogue. Kumi Naidoo a également mis en garde le Sri Lanka, l’invitant à ne pas suivre la même voie que les Philippines, où le président Sirisena s’est récemment rendu, et qu’il a saluées, les présentant comme un exemple à suivre. « Sous la présidence de Rodrigo Duterte », écrit le secrétaire général d’Amnistie internationale, une « terrible vague d’exécutions extrajudiciaires [a touché] des personnes soupçonnées d’infractions liées à la drogue ces trois dernières années ». « Loin de débarrasser les rues du crime, cette campagne meurtrière a coûté la vie à plus de 4 000 personnes, dont des dizaines d’enfants, ce qui pourrait relever du crime contre l’humanité. » Les assassinats commis aux Philippines, qui ont principalement visé des personnes vivant dans des quartiers pauvres, font actuellement l’objet d’un examen préliminaire mené par le Bureau du Procureur de la Cour pénale internationale. Dans sa lettre ouverte, Amnistie internationale appelle le président Sirisena :
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![]() Par Omar Waraich, Deputy South Asia Director Colombo, Sri Lanka, Gener Rondina se trouvait chez lui avec sa famille à Barangay Carreta, un quartier pauvre de la ville de Cebu aux Philippines, lorsque la police est venue le chercher au milieu de la nuit. Tremblant de peur, il les implora de lui laisser la vie sauve. « Je me rends, monsieur », criait-il, mais les policiers sont restés de marbre. Il a levé les mains en l'air et s'est mis à genoux. Les policiers ont fait sortir ses proches de la pièce. Ensuite, des coups de feu ont retenti. Gener Rondina compte parmi les milliers de Philippins assassinés dans le cadre de la « guerre contre la drogue » meurtrière du président Rodrigo Duterte. La police nationale des Philippines a reconnu avoir tué 4 000 d'entre eux. Lorsqu'elle ne procède pas à des arrestations et ne conduit pas les suspects devant un tribunal, mais les élimine sur place, la police assume les rôles de juge, de juré et de bourreau. Enfreignant les lois qu'elle est censée faire respecter, elle agit sur la base de preuves très fragiles pour cibler les dealers ou les consommateurs présumés, majoritairement dans les quartiers les plus pauvres du pays. Dans un rapport publié en 2017, Amnistie internationale a révélé que des responsables politiques locaux ont dressé de manière arbitraire des « listes de cibles ». Dans certains cas au moins, la police a recruté des tueurs à gages pour faire le « sale boulot » à sa place, offrant des primes par tête. Dans ses propres opérations, la police a déposé des preuves au domicile de ses cibles, falsifié les rapports d'incidents en affirmant qu'il y avait eu une fusillade et volé des biens dans les maisons concernées. Jusque dans la mort, les victimes sont privées de leur dignité. Leurs corps ont été traînés au sol et jetés dans la rue. Lorsque le porte-parole du président Maithripala Srisena a déclaré que le Sri Lanka allait tenter de « rééditer le succès » des Philippines, est-ce cela qu'il avait en tête ? Souhaite-t-il voir les quartiers les plus pauvres du Sri Lanka devenir des lieux où les habitants se réveillent chaque matin pour trouver des cadavres jonchant les rues dans des flaques de sang ? Où, au nom de la protection de la jeune génération, des dizaines d'enfants, parfois âgés de seulement quatre ou cinq ans, sont victimes de cette violence ? Veut-il que les forces de sécurité soient réduites à une entreprise criminelle qui parraine des tueurs privés, que l'état de droit perde tout son sens et qu'une simple accusation soit synonyme de vie ou de mort ? Les Philippines, au cas où certains responsables gouvernementaux l’auraient oublié, font actuellement l'objet d'un examen préliminaire du bureau de la procureure de la Cour pénale internationale. La vague d'exécutions extrajudiciaires, que les organisations de défense des droits humains qualifient de généralisée et systématique, pourrait déboucher sur une invitation à la Haye pour crimes contre l'humanité. C'est une politique si extrême que le chef des droits de l'homme de l'ONU a recommandé au président Duterte de se soumettre à un « examen psychiatrique ». Dans une lettre susceptible d’intéresser au moins un éminent Sri Lankais, la Conférence des évêques catholiques des Philippines a dénoncé l'an dernier les meurtres qui sont synonymes de « règne de la terreur dans de nombreux quartiers pauvres ». Tandis que le gouvernement menace de déployer des troupes pour mener à bien la « guerre contre la drogue » au Sri Lanka, il cherche à réactiver la peine de mort. Exécuter des personnes reconnues coupables d'infractions liées à la législation sur les stupéfiants constitue une violation des obligations juridiques incombant au Sri Lanka en vertu du Pacte international relatif aux droits civils et politiques (PIDCP), qui restreint l'application de la peine de mort – dans les pays qui ne l'ont pas encore abolie – aux « crimes les plus graves » ou aux homicides volontaires. En outre, une telle mesure marquerait une rupture avec une pratique de longue date au Sri Lanka. La peine de mort, certains l'auront noté, a été écartée pendant de longues périodes de l'histoire pré-coloniale de cette nation insulaire. Il y a 90 ans, l'Assemblée législative de Ceylan adoptait une résolution abolissant la peine de mort, mesure contrecarrée par les autorités coloniales britanniques, qui avaient insisté pour la maintenir. Il y a plus de 40 ans, le Sri Lanka a tourné le dos à l'application de ce châtiment cruel, inhumain et dégradant, devenant ainsi un précurseur en Asie du Sud. L'Afghanistan, le Bangladesh, l'Inde et le Pakistan appartiennent à une minorité décroissante de pays qui persistent dans cette pratique. En 2017, quatre pays étaient responsables de 84 % des exécutions enregistrées dans le monde. En revanche, en 2016, 117 pays – dont le Sri Lanka – ont voté en faveur d'un appel de l'Assemblée générale des Nations unies à instaurer un moratoire sur les exécutions en vue de l'abolition de la peine de mort. Les exécutions ne sont jamais la solution. Comme l'ont démontré les criminologues dans de nombreuses études, la peine de mort n'a pas d'effet dissuasif particulier. Hong Kong, par exemple, a cessé de procéder à des exécutions il y a plus de 50 ans. Singapour, une ville de taille analogue, applique toujours la peine de mort. Malgré ces approches différentes, le taux d'homicides dans les deux villes est resté remarquablement similaire au fil des décennies, l'effet dissuasif attendu par le gouvernement de Singapour ne se produisant pas. Lorsqu'il s'agit d'exécuter des personnes pour des infractions liées à la législation sur les stupéfiants, peu de pays peuvent rivaliser avec l'Iran. Il a mis à mort des milliers de personnes après les avoir condamnées pour trafic de stupéfiants à l'issue de procès manifestement iniques. Pourtant, le trafic et la distribution de stupéfiants demeurent un fléau. « En vérité, l'exécution des trafiquants n'a eu aucun effet dissuasif », a concédé Mohammad Baqer Olfat, responsable adjoint du pouvoir judiciaire pour les Affaires sociales, en 2016. Ces derniers mois, l'Iran a assoupli sa législation sur les stupéfiants et, il y a quelques semaines seulement, les autorités ont annoncé que, par conséquent, des centaines de condamnations à mort pour certaines infractions liées à la drogue ont été commuées. La peine de mort est irréversible : pas de retour en arrière possible en cas d'erreur judiciaire. La sanction a un caractère absolu. Les erreurs sont irrémédiables. Des « aveux » forcés, la partialité d'un juge, l'absence de recueil de preuves ou les carences de la défense peuvent conduire un innocent à payer le prix ultime. C'est aussi un châtiment qui affecte de manière disproportionnée les personnes vivant dans la pauvreté. « Cela en fait une forme de discrimination fondée sur la classe sociale dans la plupart des pays », ont averti des experts de l'ONU l'an dernier. Enfin, mais surtout, la peine de mort est immorale. Si nous accordons à la vie humaine la plus haute valeur, l'ôter est alors l'acte le plus vil. Cela ne fait aucun doute lorsqu'une personne commet un meurtre. Serait-ce différent lorsque l'État commet cet acte, infligeant la même souffrance et la même perte ? Une exécution n'est pas une démonstration de force, mais un aveu de faiblesse. Elle représente l'incapacité à créer une société plus humaine, où la protection du droit à la vie l'emporte sur la tentation de la vengeance. ![]() Le Sri Lanka doit revenir sur tout projet d’application de la peine de mort et continuer d’éviter ce châtiment cruel et irréversible comme il le fait depuis longtemps, a déclaré Amnistie internationale mercredi 11 juillet. Selon certaines informations, le président sri-lankais, Maithripala Srisena, poursuit ses plans visant à exécuter 19 prisonniers condamnés à mort pour des infractions à la législation sur les stupéfiants. « En reprenant les exécutions après plus de 40 années, le Sri Lanka causera un immense dommage à sa réputation. Le gouvernement doit renoncer immédiatement au projet de reprendre les exécutions, commuer toutes les condamnations à mort et instaurer un moratoire officiel sur l’application de la peine capitale à titre de première étape vers son abolition complète, a déclaré Dinushika Dissanayake, directrice régionale adjointe pour l’Asie du Sud à Amnistie internationale. « Le Sri Lanka a montré l’exemple dans la région, en évitant depuis longtemps ce châtiment cruel et irréversible au moment où de nombreux autres pays s’obstinaient à l’appliquer. À présent, quand la plupart des pays du monde se sont détournés de la peine de mort, il risque de prendre la mauvaise direction en rejoignant une minorité de plus en plus petite d’États qui maintiennent cette horrible pratique. » Amnistie internationale s’oppose catégoriquement à la peine capitale en toutes circonstances, quels que soient le crime commis et la méthode d'exécution. L’exécution de personnes pour des infractions à la législation sur les stupéfiants constitue une violation du droit international – qui dispose que, dans les pays qui ne l’ont pas encore abolie, la peine de mort ne peut être appliquée que pour “les crimes les plus graves”, c’est-à-dire impliquant des homicides volontaires – et irait clairement à l’encontre des engagement internationaux du Sri Lanka, notamment de ses votes répétés en faveur d’un moratoire sur l’application de la peine de mort à l’Assemblée générale des Nations unies, dont le dernier remonte seulement à 2016. Le Sri Lanka a procédé à sa dernière exécution en 1976. « Il n’existe aucun élément prouvant que la peine de mort ait un effet dissuasif particulier sur la criminalité. Les exécutions ne sont jamais une solution et, pour les infractions à la législation sur les stupéfiants, constituent une violation du droit international. Les autorités sri-lankaises doivent choisir une voie plus humaine et juste », a déclaré Dinushika Dissanayake. Complément d’information À ce jour, 142 pays ont aboli la peine capitale en droit ou dans la pratique. Dans la région Asie-Pacifique, 19 pays ont aboli ce châtiment pour tous les crimes et sept autres sont abolitionnistes en pratique. En 2017, d’après les éléments recueillis par Amnistie internationale, des exécutions ont eu lieu dans une minorité isolée de pays (23), et seuls 11 d’entre eux (soit 6 % des pays du monde) ont exécuté des personnes tous les ans ces cinq dernières années. |
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