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Nigéria. Une entreprise criminelle ? L'implication de Shell dans des violations des droits humains au Nigéria dans les années 1990.

11/28/2017

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En novembre 1995, l'État nigérian a arbitrairement exécuté neuf hommes à l’issue d’un procès manifestement inéquitable. Ces exécutions ont déclenché un tollé au sein de la communauté internationale. Les États-Unis et l'Union européenne ont imposé des sanctions au Nigeria. Le pays a également été suspendu du Commonwealth. Officiellement accusés d'implication dans un meurtre, ces hommes avaient de fait été traduits en justice pour s’être opposés au géant pétrolier anglo-néerlandais Shell au sujet de son impact dévastateur sur le pays ogoni dans le delta du Niger, la région pétrolière du Nigeria.

Les exécutions ont été le point culminant d’une campagne brutale menée par l’armée nigériane en vue d’étouffer les manifestations du Mouvement pour la survie du peuple ogoni (MOSOP), dirigé par l’auteur et défenseur des droits humains Ken Saro-Wiwa, l’un des hommes exécutés. Le MOSOP protestait contre le fait que des tiers s’étaient enrichis grâce au pétrole extrait sur les terres des Ogonis et que la pollution due aux déversements et aux torchères avait « provoqué une dégradation profonde de l’environnement, à l’origine d’une catastrophe écologique ». En janvier 1993, le MOSOP a déclaré que l’entreprise Shell n’était plus la bienvenue en pays ogoni. Les autorités militaires ont réagi avec force aux actions du MOSOP et ont commis, dans ce contexte, beaucoup de graves violations des droits humains, notamment des homicides illégaux à l’encontre de centaines d’Ogonis, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, y compris des viols et la destruction des habitations et des moyens de subsistance des populations. Nombre de ces atteintes aux droits humains constituaient également des infractions pénales.

Le présent rapport s’intéresse au rôle joué par la multinationale anglo-néerlandaise Shell dans ces actes de violations des droits humains et ces infractions. L’entreprise a joué un rôle central dans les événements survenus en pays ogoni dans les années 1990, cela est indéniable : à l’époque le MOSOP protestait contre les impacts environnementaux et sociaux négatifs des activités de Shell sur la communauté ogoni. Il demandait le départ de l'entreprise de la région. Invoquant des raisons sécuritaires, Shell avait arrêté ses activités en pays ogoni au début de l’année 1993, mais par la suite, elle avait cherché à revenir dans la région et à mettre fin aux manifestations du MOSOP.

Shell a toujours nié avoir joué un rôle dans les violences et les violations flagrantes des droits humains commises en pays ogoni dans les années 1990. Toutefois, Amnistie internationale a procédé à l’examen détaillé de plusieurs milliers de pages de documents internes de l’entreprise ainsi que des témoignages qui révèlent ce que Shell savait et les relations qu’elle entretenait avec les forces de sécurité nigérianes durant toute cette période. De nombreux documents de l'entreprise mentionnés dans le présent rapport ont été publiés dans le cadre de procédures judiciaires engagées aux États-Unis. Ils incluent des comptes rendus de réunions avec les dirigeants nigérians, y compris le général-président Sani Abacha, des documents de stratégie, des notes internes et des lettres adressées à des hauts responsables. Le rapport s’appuie également sur les archives d'Amnistie internationale et sur son travail dans le delta du Niger à l'époque. C’est la première fois qu’une organisation compile toute cette documentation et l’analyse. Selon Amnistie internationale, ces éléments soulèvent de graves questions sur l'ampleur de l'implication de Shell non seulement dans des violations flagrantes des droits humains mais également dans des comportements criminels.

SHELL ET LE GOUVERNEMENT NIGÉRIAN : « INEXTRICABLEMENT LIÉS »
Dans les années 1990, Shell était de loin la plus grande entreprise implantée au Nigeria. En 1995, elle extrayait près d'un million de barils de pétrole brut par jour, soit environ la moitié de la production nationale. Les exportations d’hydrocarbures du Nigeria représentaient 95,7 % des recettes de sources étrangères du pays. Elles étaient donc vitales pour son économie.

Ainsi, il était de l’intérêt et de l’État nigérian et de l'entreprise de veiller à ce que le pétrole continue de couler à flot. Shell et le gouvernement étaient des partenaires commerciaux qui exploitaient les gisements de pétrole nigérians à très haut rendement dans le cadre d’une co-entreprise. Les deux entités étaient en contact permanent, ainsi que le président de Shell Nigeria de 1994 à 1997, Brian Anderson l’a reconnu : « Le gouvernement et l'industrie pétrolière sont inextricablement liés. »

Les activités de Shell au Nigeria ont également largement contribué au bilan global de la multinationale. Un document de stratégie interne datant de 1996 révèle que le Nigeria abritait la plus grande partie des réserves pétrolières et gazières mondiales de l’entreprise et que Shell Nigeria avait « accès à la plus grande base de ressources d'hydrocarbures à faible coût du groupe qui permettrait de maintenir la production de pétrole pendant près de 100 ans au niveau d’alors ».

Les manifestations des Ogonis privaient non seulement Shell et le gouvernement de l'accès aux puits dans cette région, mais elles menaçaient également de perturber le fonctionnement d'un oléoduc qui assurait le transport du pétrole en provenance des autres régions à travers le pays ogoni. Le gouvernement à Abuja craignait également que les manifestations se répandent à travers toute la région pétrolière où à d'autres communautés qui partageaient les griefs des Ogonis. D’après une note interne de Shell, le général Sani Abacha qui était arrivé au pouvoir par un coup d'État en novembre 1993, « semblait avoir du mal à croire qu'une si petite tribu puisse avoir l'effronterie de causer tant de problèmes ».

SHELL SAVAIT QUE LES GRIEFS DU MOSOP ÉTAIENT LÉGITIMES.
Tout en présentant les manifestations des Ogonis comme un problème essentiellement économique, Shell a minimisé les inquiétudes environnementales de la communauté et d’autres problèmes. Shell a nié dans plusieurs déclarations publiques que ses activités avaient occasionné des problèmes environnementaux. Ce qui était totalement faux. Les documents internes révèlent que les hauts dirigeants étaient très préoccupés par le mauvais état des oléoducs vieillissants, mal entretenus et non étanches. C’est ainsi qu’en novembre 1994, Bopp Van Dessel, le chargé des études environnementales à Shell Nigeria a démissionné de son poste se disant incapable de défendre le bilan environnemental de l'entreprise « sans perdre son intégrité personnelle ». Bopp Van Dessel a rendu publiques ces allégations lors d’un entretien accordé à une chaîne de télévision en 1996. Il a déclaré ceci :

« [Les dirigeants de Shell] ne respectaient pas leurs propres normes ; ils ne respectaient pas les normes internationales. Tous les sites de l’entreprise que j’ai vus étaient pollués. Tous les terminaux que j’ai vus étaient pollués. Pour moi, il était évident que Shell était en train de détruire la zone. »

Alors que les déclarations de Bopp Van Dessel portent sur l'ensemble des activités de Shell dans le delta du Niger, d'autres sources crédibles fournissent des preuves de la situation qui a prévalu en pays ogoni. Après s’être penchée sur cette situation en 1996, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a conclu que les niveaux de pollution et de dégradation de l'environnement dans la région étaient « humainement inacceptables et avaient contribué à faire de la vie en pays ogoni un véritable cauchemar ». Une étude scientifique menée en 2011 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l'environnement du pays ogoni a confirmé que l’air, l'eau et le sol étaient gravement pollués et que la pollution par les hydrocarbures remontait à plusieurs décennies.

VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS EN PAYS OGONI DE 1993 À 1996.
En janvier 1993, Shell s'est retirée du pays ogoni alléguant des problèmes de sécurité pour son personnel. Certaines de ces inquiétudes étaient fondées : le personnel de Shell avait à plusieurs reprises fait l'objet d'intimidations et d'agressions physiques. Shell a tenté de faire porter la responsabilité de ces attaques au MOSOP, mais Ken Saro-Wiwa et le MOSOP avaient toujours souligné le caractère pacifique du mouvement. Ils avaient de même activement tenté d'arrêter les membres de la communauté qui se livraient à des violences.

Bien qu’ayant annoncé son retrait de la région et sachant que le peuple ogoni ne souhaitait plus sa présence, Shell a demandé à ses entrepreneurs d’installer un nouvel oléoduc dans la région. L’entreprise qui savait bien que le risque était grand que les forces de sécurité réagissent aux manifestations de la communauté par un recours à la force excessive, voire meurtrière a tout de même exhorté l'armée à repousser les manifestants qui tentaient de bloquer les travaux. Le 30 avril 1993, dans le village de Biara, des soldats qui assuraient la sécurité des entrepreneurs de Shell ont ouvert le feu sur des manifestants, blessant 11 d'entre eux. Plusieurs jours plus tard, à Nonwa, des soldats ont à nouveau tiré sur des manifestants, faisant un mort. Rien ne prouve que les forces armées avaient été attaquées par les membres de la communauté ou que leur recours à la force ait été de quelque manière que ce soit proportionnel ou justifié.

À partir de la mi-1993, les forces de sécurité ont provoqué à une série d'attaques violentes contre les Ogonis et y ont pris part. Par la suite, le gouvernement a cherché, en vain, à imputer ces attaques aux tensions intercommunautaires. Un rapport officiel publié en 2002 a conclu que ces attaques avaient provoqué la mort d'environ 1 000 personnes, détruit dix villages et fait 30 000 sans-abri. Les rescapés ont raconté aux journalistes que certains des assaillants portaient des uniformes de l'armée et qu’ils avaient fait usage d’armes automatiques et de grenades. De nombreuses personnes ont perdu la vie suite à l’usage arbitraire de la force meurtrière, tandis que d'autres ont été exécutées de manière extrajudiciaire. En 1996, deux soldats interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir participé à une attaque.

À la suite de ces attaques, Shell a tenté de retourner sur les terres des Ogonis en octobre 1993 pour inspecter ses sites de production pétrolière – sous escorte de l'armée nigériane. Compte tenu des événements de Biara et de Nonwa ainsi que des attaques très médiatisées qui avaient déchiré le peuple ogoni, cette démarche était imprudente et provocatrice. Des manifestations ont de nouveau éclaté dans le village de Korokoro. Les versions divergent sur le déclenchement des affrontements, toutefois il s’avère que les militaires ont ouvert le feu, tuant un autre homme.

Peu après, en novembre 1993, le ministre de la Défense, le général Sani Abacha s'emparait du pouvoir par un coup d'État. Il interdit toute activité politique, remplace les gouverneurs civils par des administrateurs militaires, emprisonne et fait exécuter des opposants. Le gouvernement Abacha met en place la Rivers State Internal Security Task Force (ISTF) pour « restaurer et préserver la loi et l'ordre public en pays ogoni ». L'un des objectifs était de faire en sorte que les personnes « exerçant une activité économique…ne soient pas agressées ». À l’époque, Shell et ses sous-traitants étaient les seuls acteurs économiques majeurs en pays ogoni. Ce qui laisse supposer que dès le départ, l’objectif principal de l'ISTF était de permettre à Shell, la plus grande entreprise du pays ogoni, de reprendre ses activités.

Le 12 mai 1994, le commandant de l'ISTF, le lieutenant-colonel Paul Okuntimo a exposé ses plans dans une note confidentielle que le MOSOP a pu se procurer et qu’il a communiquée aux médias. Dans ce document, Paul Okuntimo confiait que :

« Les activités de Shell toujours impossibles à moins que des opérations militaires brutales ne soient engagées pour assurer le bon démarrage des activités économiques. »

Amnistie internationale n'a pas pu vérifier de manière indépendante l'authenticité de la note. Shell pour sa part a mis en cause son authenticité. Toutefois, quelques jours après sa publication, la crise en pays ogoni s'est aggravée.

Le 21 mai 1994, des dirigeants du MOSOP, dont Ken Saro-Wiwa, ont été accusés d'implication dans le meurtre de quatre éminents chefs traditionnels puis arrêtés par l'ISTF. Ils ont été victimes d’actes de torture et d'autres mauvais traitements en détention. Pendant ce temps, l'ISTF lançait des raids sur les villages ogonis. Elle a commis de nombreuses exécutions extrajudiciaires et plusieurs autres exactions, violé des femmes et des jeunes filles et incarcéré et torturé de nombreuses personnes. Le commandant de l’ISTF est passé à la télévision et a publiquement reconnu certaines tactiques employées par l’armée :

« Pendant les trois premiers jours de l'opération, j'ai procédé à des attaques dans la nuit. Personne ne savait d'où venait l'attaque. Ma stratégie était très simple, des détachements de soldats étaient constitués et postés aux quatre coins de la ville. Ils… sont armés de fusil[s]d'assaut dont le bruit rappelle la mort. Quiconque les entend s'immobilise sur-le-champ. »

On ignore encore le nombre de personnes qui ont trouvé la mort au cours de ces attaques avant que la tension ne redescende vers la fin août 1994. Selon un rapport d'Amnistie internationale publié le 24 juin 1994, une trentaine de villages ont été attaqués et « plus de 50 membres de l'ethnie ogoni auraient été exécutés de manière extrajudiciaire ». En juillet de la même année, l'ambassadeur néerlandais a révélé au géant pétrolier que l'armée avait tué environ 800 Ogonis.

SHELL CONNAISSAIT LE RISQUE D’UN RECOURS À UNE INTERVENTION MILITAIRE
Il existe des preuves irréfutables que Shell savait que les forces de sécurité nigérianes avaient commis de graves violations lorsqu'elles ont été déployées pour réprimer les manifestations de la communauté. L’entreprise connaissait les risques depuis au moins 1990, année où Shell avait sollicité l'aide d'une unité de police paramilitaire pour contrer des manifestants pacifiques dans le village d'Umuechem, également dans le delta du Niger. D'après une enquête officielle, les forces de police avaient fait une descente musclée dans la communauté « telle une armée d'invasion qui s'était jurée de prendre jusqu’à la dernière goutte de sang de l'ennemi », et les policiers, armés de fusils d’assaut et de grenades avaient tué 80 personnes.

Il ressort clairement des déclarations publiques et des documents internes de l'entreprise qu'au moins à partir de ce moment-là les dirigeants de Shell connaissaient et comprenaient les risques liés à une intervention des forces de sécurité contre les manifestants. C'était bien avant que l'ISTF ne procède au lancement de ses opérations en mai 1994. Par exemple, une note interne de Shell datée du 23 février 1993 révèle que les hauts dirigeants de Shell craignaient qu'une « présence militaire [...] ne débouche sur des affrontements qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques ».

Ces risques ont été confirmés par trois autres épisodes avec des manifestants sur la période 1992-1993 : la mort d'un homme et plusieurs autres blessés sur l'île Bonny en juillet 1992, après que Shell eut dépêché par avion une « Force d'intervention rapide » constituée d’un contingent de la police paramilitaire sur le terrain ; et par les deux événements mentionnés plus haut, lorsque des soldats ont ouvert le feu sur des riverains le long de l’oléoduc en avril et mai 1993. En février 1994, Shell avait reçu une confirmation supplémentaire – comme s'il en était besoin – des risques spécifiques associés au recours à une intervention militaire, lorsque l'ISTF alors sous les ordres du lieutenant-colonel Paul Okuntimo a tiré sur des milliers de manifestants pacifiques devant le portail principal du siège de Shell à Port Harcourt, faisant plusieurs blessés dans la foule.
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SHELL ÉTAIT AU COURANT DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES EN PAYS OGONI
À partir de la mi-1993, au moment de la recrudescence de la violence en pays ogoni, il est inconcevable que Shell n'ait pas été informée de la détérioration de la situation des droits humains. L'implication des forces armées a fait l'objet de nombreux rapports à l'époque, tant au Nigeria que sur la scène internationale. Plusieurs organisations dont Amnesty International ont publié de nombreux documents attirant l'attention sur des épisodes particuliers, tels que la détention de Ken Saro-Wiwa et les exécutions extrajudiciaires d’Ogonis par les forces de sécurité.

Ce que savait le géant pétrolier allait bien au-delà des événements largement médiatisés. Les dirigeants rencontraient régulièrement les hauts responsables du gouvernement pour discuter de la stratégie de ce dernier pour faire face aux manifestations des Ogonis. Shell entretenait des liens étroits avec l'Agence de sécurité intérieure du Nigeria. L'ancien chef de la sécurité de Shell pour la région a fait une déclaration en tant que témoin dans laquelle il a révélé qu'il partageait quotidiennement des informations avec ce service.

SHELL A ENCOURAGÉ LE GOUVERNEMENT À METTRE FIN AUX MANIFESTATIONS DES OGONIS
Les documents internes de Shell révèlent que les dirigeants de l'entreprise ont à plusieurs reprises attiré l'attention des hautes autorités du gouvernement sur les répercussions économiques des manifestations des Ogonis et qu’ils leur ont demandé de résoudre le « problème ».

Par exemple, le 19 mars 1993, Shell a adressé une lettre au gouverneur de l’État de Rivers, où vit le peuple ogoni, lui demandant « d'intervenir pour [lui] permettre de mener à bien [ses] activités, vu [leur] caractère stratégique pour l'économie de la Nation ».

Après que le général Sani Abacha s’est emparé du pouvoir en novembre 1993, Shell a écrit presque immédiatement au nouvel administrateur militaire de l’État de Rivers (le 13 décembre) en indiquant que « les troubles, les barrages et le sabotage mené par la communauté avaient occasionné une baisse de la production de près de neuf millions de barils au cours de l'année ». L’entreprise a ainsi sollicité son aide afin de « réduire les perturbations ». Dans sa lettre, le géant pétrolier a nommé les communautés concernées, à savoir celles du pays ogoni. Peu de temps après, l'administrateur militaire a procédé à la mise en place de l’ISTF.

Shell a ensuite eu d'autres occasions de faire pression sur le gouvernement pour l’amener à agir. Le président de Shell Nigeria de l'époque, Brian Anderson, a été reçu à au moins trois reprises par Sani Abacha au plus fort de la crise ogoni entre 1994 et 1995. Lors de leur première rencontre (qui s’est tenue le 30 avril 1994), Brian Anderson a indiqué qu'il avait soulevé « le problème ogoni et Ken Saro-Wiwa, soulignant que Shell avait été absente de la région depuis près d'un an. Nous lui avons fait part des dégâts qu'ils avaient occasionnés sur les sites de nos opérations et dont il n'avait apparemment pas conscience. »

Entre 1994 et 1995, période pendant laquelle s'inscrivent plusieurs des événements mentionnés dans le présent rapport, Shell et le gouvernement étaient également en pourparlers au sujet d'un projet de gaz naturel liquéfié d’une valeur de 4 milliards de dollars (l'un des investissements les plus importants en Afrique à l’époque). Shell a annoncé la poursuite de ce projet de partenariat seulement cinq jours après l'exécution des neuf militants ogonis.

SHELL A SOLLICITÉ ET ENCOURAGÉ L’INTERVENTION DES FORCES DE SÉCURITÉ ET DES AUTORITÉS MILITAIRES NIGÉRIANES
Même si le géant pétrolier savait que de graves violations des droits humains étaient quasi inévitables, il a encouragé et sollicité l'intervention des forces de sécurité nigérianes et des autorités militaires. En 1993, Shell a demandé à plusieurs reprises au gouvernement nigérian de déployer l'armée en pays ogoni pour empêcher que des manifestations ne perturbent la pose du gazoduc. Onze personnes ont été blessées par balle à Biara le 30 avril et un homme a été tué par balle à Nonwa, le 4 mai. D'après un document interne de Shell, les dirigeants de l’entreprise ont même conseillé à l'armée nigériane de ne pas libérer les manifestants arrêtés tant que l'armée ne recevrait pas des engagements de la part de leur communauté de mettre fin aux manifestations, ce qui revenait à solliciter directement une violation des droits humains des détenus.

Shell a également présenté des demandes générales pour l'intervention des autorités militaires en pays ogoni. Les dirigeants de Shell ont rencontré des hauts responsables du gouvernement et de la sécurité à Abuja le 11 mai 1993 après que l’entreprise eut décidé de suspendre la pose du gazoduc à la suite des affrontements entre les manifestants et l'armée. Lors d'une réunion avec l'inspecteur général de la police, « nous avons saisi cette occasion pour souligner la nécessité d'une présence policière supplémentaire dans des endroits stratégiques et d’offrir un appui logistique (puisqu’ils sont incapables de le faire eux-mêmes) ». Plus tard dans la même journée, en présence du directeur général de l'Agence du renseignement, le SSS, Shell a une nouvelle fois réitéré sa « demande de renfort des effectifs de la police et de l’armée ».

Les procès-verbaux de ces réunions montrent que Shell faisait activement pression sur le gouvernement et les forces de sécurité pour obtenir leur soutien – et proposait en retour une aide « logistique ». À en juger par les notes prises par le géant pétrolier lors de ces réunions, les dirigeants de Shell n'ont fait part d’aucune préoccupation aux autorités gouvernementales au sujet des manifestants non armés en pays ogoni sur lesquels l'unité de l'armée qui gardait le gazoduc venait de tirer.

Au début de l'année suivante, les autorités militaires mettaient en place l'ISTF. Le 3 mars 1994, le lieutenant-colonel Okuntimo, commandant de l’ISTF, ainsi que 25 éléments de sa troupe percevaient des « honoraires » de la part du géant pétrolier en guise de « remerciement et de motivation pour les dispositions durables prises à l'égard de [Shell] en faveur de ses futures opérations ».

Selon Shell, ces honoraires portaient sur une opération menée à Korokoro à la fin de 1993, au cours de laquelle des soldats avaient tiré sur une personne à la suite d'un affrontement avec des manifestants. Le montant des honoraires s'élevait à 20 000 nairas (soit 909 dollars), au titre des frais de restauration et des « indemnités de service spécial ». Cependant, la note interne suggère que Shell attendait de la force militaire qu’elle mène « d’autres missions » pour le compte de l'entreprise. Shell a approuvé les émoluments versés au lieutenant-colonel Okuntimo quelques jours seulement après qu'il a ouvert le feu sur des manifestants pacifiques devant le siège de l’entreprise à Port Harcourt.

Comme indiqué plus haut, les documents publiés par Shell comprennent les comptes rendus des trois audiences accordées à Brian Anderson par le général Sani Abacha durant la crise. Lors de la première réunion tenue le 30 avril 1994, Anderson a indiqué qu'il en était sorti avec le sentiment que Sani Abacha, « ferait intervenir les forces militaires ou la police ». Brian Anderson a affirmé avoir clairement indiqué à Sani Abacha qu'il avait demandé au personnel de Shell de « ne pas impliquer l'un ou l'autre des deux corps dans les récents événements de peur que la situation ne s'envenime et que Shell ne soit accusée d’être la main noire derrière les forces de l'ordre, voire même d'être responsable de la crise ». Toutefois, le compte rendu de la réunion présenté par Brian Anderson ne suggère pas qu'il ait demandé au général Abacha de ne pas recourir à l’intervention militaire qu'il semblait envisager. Il en ressort seulement que Brian Anderson n'avait pas voulu que le personnel de Shell implique l'armée ou la police dans les « événements récents ».

Le 5 août 1994, Brian Anderson a obtenu une nouvelle rencontre avec le général Abacha. Bien qu’étant informé que Ken Saro-Wiwa et des dizaines d'autres personnes étaient alors en détention et que de nombreux Ogonis avaient été tués lors de raids de l’ISTF, les notes de Brian Anderson sur la réunion ne font état d’aucun de ces événements.

Une semaine après cette réunion, et en dépit du fait que Brian Anderson savait que l'armée menait des opérations violentes et brutales en pays ogoni, le directeur de Shell a sollicité le déploiement de l’armée sur le terrain afin d’assurer la sécurité des installations de l’entreprise à Bomu, en pays ogoni. Dans une note adressée à ses supérieurs à Londres et à La Haye, Brian Anderson a reconnu que cette demande enfreignait dans une certaine mesure [leur] politique de « refus de la protection militaire ».

Toutefois, comme l'indiquent clairement les éléments présentés dans ce rapport, la politique de « refus de la protection militaire » prônée par Shell était au mieux incohérente et parfois n’était guère qu’une fiction de relations publiques. L’entreprise a sollicité à maintes reprises l'intervention des forces militaires ou de sécurité en pays ogoni pour assurer la protection de ses équipements et de ses activités économiques alors qu’elle connaissait parfaitement les risques auxquels les communautés seraient confrontées.

En outre, tous les éléments rassemblés indiquent que Shell savait pertinemment que les griefs du MOSOP étaient légitimes et que l'environnement dont dépendait presque totalement l’existence du peuple ogoni était de fait dévasté par la pollution pétrolière. Toutefois, Shell n'a jamais proposé de solutions alternatives à ses divers interlocuteurs politiques et militaires pour répondre aux préoccupations du peuple ogoni et du MOSOP.

SHELL A FOURNI UN SOUTIEN ET UNE ASSISTANCE MATÉRIELLE AUX FORCES ARMÉES
Shell a fourni un soutien logistique et versé des honoraires de façon régulière aux forces de sécurité dans les années 1990. Brian Anderson, ancien président de Shell Nigeria a expliqué qu’il s'agit d'une pratique courante avec l’armée :

« En réalité, tout contact opérationnel avec le gouvernement nécessite un appui financier et logistique de la part de Shell. Par exemple, pour que des représentants du ministère des Ressources pétrolières puissent se déplacer pour constater un déversement d'hydrocarbures, nous devons souvent fournir des moyens de transport et d'autres commodités. Il en est de même pour la protection militaire. » (soulignement ajouté)

Shell gérait un effectif important des forces de police qui assuraient la sécurité du personnel et des biens de l'entreprise. Les documents montrent que cette force comprenait une équipe d'agents d’infiltration qui recevaient une formation des services de sécurité. D’après un ancien responsable de la sécurité de Shell, cette équipe a conduit des opérations de collecte de renseignements dans le delta du Niger, y compris en pays ogoni. Le responsable a indiqué qu'il partageait au quotidien des informations avec les services de sécurité.

Comme indiqué plus haut, Shell a reconnu avoir versé des émoluments au lieutenant-colonel Paul Okountimo et à ses hommes pour avoir effectué une patrouille en pays ogoni en octobre 1993. Le président de Shell Nigeria d’alors, Brian Anderson, a affirmé que ce paiement était la seule occasion où Shell était entré en contact avec Paul Okuntimo.

Paul Okuntimo a déclaré deux fois à la presse avoir été en contact avec Shell tout au long de la crise, bien que ces déclarations soient contradictoires. Selon le Sunday Times (de Londres), Paul Okuntimo a reconnu le 17 décembre 1995 devant les journalistes que Shell les avait effectivement payés, lui et ses soldats. Il a déclaré que « Shell a apporté une aide logistique sous la forme d’un appui financier. Pour faire cela, nous avions besoin de ressources et Shell les a fournies. » Au cours d’une interview télévisée en 2012 (accordée par le désormais général à la retraite) Paul Okuntimo a nié avoir reçu le « moindre centime » de la part de Shell. Il a toutefois indiqué que Shell avait secrètement maintenu le contact avec lui, en l’encourageant à intervenir en pays ogoni.

« Il y a cet idiot qui venait tout le temps me trouver même lorsque j’étais à la prière à l’église pour me dire qu’il y avait des problèmes en pays ogoni, et ci et ça... »

Il existe d’autres preuves de financement occulte effectué par Shell pour le compte de Paul Okuntimo, notamment les dépositions de trois témoins, anciens membres des forces de sécurité nigérianes. Boniface Ejiogu était le subordonné du lieutenant-colonel Okuntimo depuis mai 1994. Boniface Ejiogu a déclaré que Shell avait fourni une aide logistique à l’ISTF. Il a également déclaré avoir aperçu Paul Okuntimo dans un hélicoptère utilisé dans les opérations menées par Shell ainsi que des soldats convoyés par des cars et des bateaux fournis par l’entreprise. Il a indiqué qu’en vue des « opérations de nuit » menées par l’ISTF, Paul Okuntimo sollicitait George Ukpong, alors chef de la sécurité de Shell pour la mise à disposition de pickups de l’entreprise. Il a également déclaré avoir assisté de façon régulière à des livraisons de nourriture effectuées dans le camp de l’ISTF par l’entreprise.

Boniface Ejiogu a affirmé avoir remis de l’argent à deux reprises au lieutenant-colonel Okuntimo de la part de George Ukpong. Ces déclarations de Boniface Ejiogu à propos de l’argent reçu par le lieutenant-colonel Okuntimo ont été étayées par Raphael Kponee, policier détaché pour la surveillance des sites de Shell. Eebu Jackson Nwiyon, un ancien membre du MOPOL, a lui aussi révélé avoir été témoin de remises de sommes d’argent aux forces de sécurité ainsi qu’au lieutenant-colonel Okuntimo par le personnel de Shell.

COMPLICITÉ DANS L’ERREUR JUDICIAIRE ET L’EXÉCUTION DONT ONT ÉTÉ VICTIMES NEUF MILITANTS OGONIS
Le point culminant dans la campagne de répression menée par le gouvernement nigérian contre les manifestants du MOSOP a été l’exécution de neuf militants ogonis le 10 novembre 1995. Shell a encouragé et incité en toute connaissance de cause l’armée à mettre fin aux manifestations du MOSOP, en dépit des violations répétées des droits humains en pays ogoni qui ont visé principalement Ken Saro-Wiwa et le MOSOP. En désignant Ken Saro-Wiwa et le MOSOP comme étant le problème, Shell a fait preuve d’irresponsabilité et a fortement exposé Ken Saro-Wiwa ainsi que tous ceux qui entretenaient des liens avec le MOSOP. Après les arrestations et au cours du procès inique, la nature du danger est apparue clairement. Toutefois, Shell continué de discuter avec le gouvernement sur les moyens d’en finir avec le « problème ogoni » et ce, malgré l’emprisonnement et les tortures dont les opposants étaient victimes et sans manifester la moindre préoccupation pour le sort des prisonniers. Une telle attitude ne pouvait qu’encourager et favoriser les actions menées par l’armée gouvernementale.

Plus tard, Shell a soutenu qu’elle agissait en coulisses pour obtenir la libération de Ken Saro-Wiwa et de ses codétenus, toutefois Amnistie internationale n’a pas retrouvé la moindre preuve de telles tractations dans les nombreux documents internes de Shell pour la période concernée. Selon un message envoyé en guise de réponse vers l’Europe par Brian Anderson, un mois après les exécutions, le président Sani Abacha a adressé ses compliments à Shell pour la position adoptée, tout en faisant référence au projet d’usine d’exploitation de gaz naturel d’une valeur de 4 milliards de dollars dont Shell avait annoncé peu de temps auparavant qu’il allait se poursuivre.

« Le Chef [d’État Abacha] a exprimé à S[honekan, ancien cadre de Shell et ancien chef d’état] sa joie de voir que Shell était restée ferme malgré la pression, et lui a demandé de me transmettre ses remerciements. (...) Il s’est réjoui particulièrement du projet NLNG. »

LA RESPONSABILITÉ DE LA MAISON-MÈRE DE SHELL AU ROYAUME-UNI ET AUX PAYS-BAS

Des documents internes de l’entreprise montrent que la responsabilité des activités de Shell pendant la crise ogoni n’était pas limitée au personnel basé dans le pays. Ces documents fournissent un aperçu unique du fonctionnement interne d’une des plus grandes multinationales en temps de crise. Ils montrent qu’au moins à partir de la nomination du Britannique Brian Anderson au poste de directeur des opérations au Nigeria au début de l’année 1994, les décisions stratégiques clés n’étaient pas prises à Lagos ni à Port Harcourt où la filiale nigériane de Shell, Shell Petroleum Development Company, était basée, mais plutôt aux sièges de Royal Dutch/Shell à Londres et à La Haye.

Ces documents comprennent de nombreux fax, lettres et courriers électroniques échangés entre les différents bureaux, y compris le « Nigeria Updates » que Brian Anderson envoyait régulièrement à ses supérieurs pour les tenir informés de la situation. Ces mises à jour portaient sur les derniers développements des activités de Shell au Nigeria, le compte rendu détaillé des réunions importantes auxquelles Brian Anderson prenait part ainsi que le point sur la situation politique, économique et sécuritaire du pays. Ces documents prouvent que les directions de Shell basées à La Haye et à Londres étaient, en tout temps, au fait de ce qui se passait au Nigeria et des actes du personnel de Shell Nigeria. De même, ces documents montrent clairement que le personnel à La Haye et à Londres ne se contentait pas de recevoir ces informations. Des ordres ont manifestement été donnés.

Durant toute la période au cours de laquelle les évènements décrits dans ce rapport ont eu lieu, Shell Nigeria travaillait sous la supervision de Royal Ducth/Shell. L’organe à la tête de Royal Ducth/Shell était le Comité des Directeurs Généraux (CMD). La prise des décisions stratégiques et financières majeures relatives aux activités de Shell Nigeria était du ressort du CMD. Les documents montrent par exemple que Shell Nigeria a soumis son plan d’affaires annuel au CMD pour approbation et que c’est ce dernier qui a pris les décisions clés concernant l’investissement. Les documents révèlent également l’implication de la maison-mère dans la crise du pays ogoni. Par exemple, une note porte sur l’approbation par le CMD d’une stratégie détaillée élaborée par Shell Nigeria en décembre 1994 sur la façon dont l’entreprise devait répondre aux critiques au lendemain des manifestations en pays ogoni. Ce document indique également que le personnel présent au Nigeria devait mener ses actions de communication publiques en coordination avec celui basé en Europe.

CONCLUSION
Il est indéniable que le gouvernement nigérian est responsable de graves violations des droits humains commises durant sa campagne de répression des manifestations ogonis largement pacifiques menées au cours des années 1990. Ces violations des droits humains ont été perpétrées en réaction à un mouvement de protestation de la population, et nombre d’entre elles ont été commises au cours d’attaques armées menées contre des villages ogonis sans défense. La plupart des violations du droit international relatif aux droits humains mentionnées dans le présent rapport s’apparentent à des crimes, pouvant inclure des meurtres ou d’autres homicides illégaux, des cas de torture, plusieurs cas d’agression physique, de viols et de destruction de biens.

Le présent rapport examine le rôle de l’entreprise pétrolière dans les violations et crimes perpétrés par les forces de sécurité nigérianes. Il s’intéresse de façon spécifique à l’éventuelle responsabilité pénale de Shell et/ou de ses cadres. Une personne (y compris, selon certaines juridictions, une « personne morale », telle qu’une entreprise) peut être reconnue coupable d’acte criminel soit pour des actions directes, soit pour des actions indirectes (c.-à-d. soit en tant qu’auteur principal soit en tant que complice). La question de savoir si une entreprise ou ses représentants individuels doivent être poursuivis pour leur implication dans la commission d’actes criminels va dépendre de la nature du crime et du cadre juridique d’une juridiction donnée.

Une gamme de concepts juridiques peut s’appliquer : de la complicité à l’aide, en passant par l’assistance et d’autres participations à des actes criminels. Dans le dispositif du droit pénal, de nombreuses actions peuvent être initiées en vue de situer la responsabilité pénale. Par exemple, la responsabilité pénale peut être évoquée lorsqu’un individu ou une entreprise encourage, permet, accentue ou facilite la commission d’un acte criminel. La connaissance des risques que les agissements d’une entreprise pourraient contribuer à la commission d’un crime ou la non prise en compte délibérée d’un tel risque ou encore le fait d’entretenir un lien étroit avec la situation ou les acteurs impliqués peuvent également déboucher sur des allégations selon lesquelles l’entreprise a participé à des activités criminelles.

Après avoir minutieusement examiné l’ensemble des éléments disponibles, Amnistie internationale estime que Shell et certains de ses cadres devraient faire l’objet d’une enquête, en vue de poursuites judiciaires, concernant leur implication dans les crimes perpétrés en pays ogoni au cours des années 1990. Shell a à plusieurs reprises sollicité l’armée et la police nigérianes pour une intervention en vue d’en finir avec les manifestations de protestation de la population, alors même qu’elle savait qu’une telle intervention risquait de déboucher sur des pertes en vies humaines. Même lorsque ces risques se sont concrétisés et que des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants ogonis ont été tués ou agressés, Shell a de nouveau fait appel à l’armée. Même s’il n’existe pas d’élément prouvant que Shell a expressément demandé à l’armée ou à la police de tuer ou attaquer des personnes, l’entreprise leur a demandé d’intervenir alors qu’elle savait que des exécutions extrajudiciaires et des agressions pouvaient être commises.

Shell a plusieurs fois fourni une aide logistique – en particulier du transport – à l’armée et à la police. Il est probable que sans cette aide logistique dont l’armée et la police ont bénéficié, les actes de violence qui ont suivi dans les zones où les manifestations ont eu lieu n’auraient pas été commis. Shell pourrait être pardonnée pour avoir commis cette erreur une seule fois, mais en fournissant de façon répétée cette aide logistique à l’armée, lui permettant ainsi d’avoir accès aux zones de tensions communautaires, revient à avoir permis ou faciliter les violations des droits humains et les crimes qui ont été commis. Une fois de plus, le niveau d’information de Shell sur les actions susceptibles d’être menées par les forces armées est ici fondamental.

Enfin, les relations que Shell entretenait à l’époque avec les autorités nigérianes suscitent des interrogations quant à sa complicité ou son implication dans les violations et les crimes commis. L’entreprise avait un accès significatif à des informations capitales et, à certains moments, elle était en contact quotidien avec certains membres des forces de sécurité. De la centaine de documents internes examinés, aucun n’a révélé la moindre intention de Shell d’exprimer sa préoccupation face aux violences perpétrées en pays ogoni.

Shell a toujours nié toute implication dans les violations des droits humains et les crimes perpétrés par l’État nigérian et les forces armées.

RECOMMANDATION
Le gouvernement du Nigeria et ceux des pays d’origine de Shell, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, devraient diligenter une enquête, en vue d’engager des poursuites judiciaires, sur Shell et/ou les personnes qui occupaient alors des postes de décision ou de contrôle au sein de l’entreprise, afin de déterminer leur éventuelle implication dans des crimes liés aux violations de droits humains qui ont été commises par les forces de sécurité nigérianes en pays ogoni au cours des années 1990.

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