Amnistie internationale Abolition de la Peine de mort
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Europe - Numéro 5. Réflexions abolitionnistes : Europe et Asie Centrale.

11/30/2017

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Le 11 décembre 1977, Amnistie internationale et les participants à la Conférence internationale sur l'abolition de la peine de mort ont adopté la Déclaration de Stockholm – le premier manifeste international abolitionniste − qui appelle tous les gouvernements à abolir immédiatement et totalement la peine de mort.

À l'époque, seuls 16 pays avaient aboli la peine capitale. Quarante ans plus tard, ils sont 105 à l'avoir fait. N'attendons pas encore 40 ans pour que ce châtiment disparaisse complètement de la surface du globe.

Europe et Asie centrale : bientôt sur la ligne d’arrivée

Sur les 105 pays qui ont intégralement aboli la peine capitale, près de la moitié se trouvent en Europe et en Asie centrale. Si certains pays de la région avaient déjà arrêté les exécutions et aboli la peine capitale au moment de la création des Nations unies en 1945, ce n’est qu’à la fin des années 1970 que le mouvement vers une abolition intégrale en Europe occidentale s’est accéléré. Le premier pays à abolir la peine de mort en Europe de l’Est a été l’ex-République démocratique allemande (Allemagne de l’Est) en 1987, ouvrant la voie à d’autres pays de l’ancienne Union soviétique, qui ont commencé à faire de même à partir de la décennie suivante.

Cette dynamique en faveur de l’abolition a reposé d’une part sur un consensus de plus en plus grand autour de l’idée que la peine de mort constitue une atteinte aux droits humains, conduisant aussi de nombreux pays de la région à inscrire l’abolition dans leur constitution. Mais elle s’est aussi appuyée sur le rôle que certains organes régionaux, tels que le Conseil de l'Europe, l’Organisation pour la sécurité et la coopération en Europe et l’Union européenne ont joué en faisant de l’abolition de ce châtiment l’un de leurs principes fondamentaux.

Aujourd’hui, la peine de mort est en passe d’être éradiquée en Europe et en Asie centrale. Le Kazakhstan, la Russie et le Tadjikistan ont conservé la peine de mort dans leur législation mais continuent d'observer leurs moratoires officiels sur les exécutions. Le Kazakhstan, qui a aboli la peine de mort pour les crimes ordinaires tels que les meurtres, est le seul de ces trois pays à avoir prononcé une condamnation à mort ces dernières années.

Le Bélarus reste le dernier pays de la région à procéder à des exécutions et conserve la peine de mort en cas de meurtre. Les exécutions, au moyen d’une balle tirée derrière la tête, font suite à des procès qui souvent ne respectent pas les normes internationales en matière d’équité et qui se déroulent à huis clos. L’une des caractéristiques les plus effrayantes de l’application de la peine de mort au Bélarus est le secret dans lequel elle baigne. Nous n’apprenons qu’il y a eu une exécution qu’après la visite à la prison de membres de la famille, pensant voir leur proche : la famille s’entend dire que le prisonnier a été « déplacé » ou « exécuté ». Ce traitement cruel envers les membres de la famille se poursuit bien après l’exécution. Les corps des prisonniers exécutés ne sont pas rendus à la famille et le lieu de sépulture n’est pas révélé. Face à ce contexte cruel, des organisations, à l’intérieur et à l’extérieur du pays, exhortent le président du Bélarus à instaurer sans délai un moratoire sur les exécutions, qui constituerait un premier pas important vers l’abolition.

Ailleurs dans la région, certaines voix se font parfois entendre pour la réintroduction de la peine de mort, en particulier lorsque des attentats meurtriers accroissent le sentiment d’insécurité. On ne constate cependant pas d’opposition sérieuse à l’abolition. Le Bélarus est le prochain objectif. Aidez-nous à faire en sorte que l’Europe et l’Asie centrale soient des régions où plus personne n’est exécuté.

Andrei Paluda est coordonnateur de la campagne Les défenseur-e-s des droits humains contre la peine de mort au Bélarus au Centre des droits humains Viasna, une ONG basée dans la capitale, Minsk.

Andrei, parlez-nous de la campagne nationale contre la peine de mort au Bélarus. Quand la campagne a-t-elle démarré ? Quels sont ses principaux objectifs et quels obstacles rencontrez-vous ?

La campagne Les défenseur-e-s des droits humains contre la peine de mort a été lancée le 26 janvier 2009 par deux groupes bélarussiens, le Centre des droits humains Viasna et le Comité Helsinki du Bélarus. L’objectif de la campagne est d’obtenir la mise en œuvre d’un moratoire sur la peine de mort, à titre de première mesure en vue de son abolition totale, ainsi que d’initier le Bélarus aux valeurs européennes communes. C’est un sujet de grande actualité pour notre pays, le seul d’Europe et de l’ex-Union soviétique à maintenir la peine capitale en droit et en pratique. D’après les données les plus fiables disponibles, mais non confirmées, le Bélarus aurait exécuté pas moins de 400 prisonniers depuis son indépendance. Il est impossible de connaître le chiffre exact car les informations relatives à la peine de mort sont entourées du plus grand secret. Les corps des prisonniers exécutés ne sont pas rendus aux familles et l’heure et le lieu de l’exécution ne sont pas dévoilés, tout comme la date. Les principaux problèmes que nous connaissons aujourd’hui sont liés à la situation générale dans le pays, plus précisément la répression exercée par les autorités à l’encontre des opposants, des journalistes, des défenseur-e-s des droits humains (DDH) et de toute forme de dissidence. Mais il existe aussi des problèmes plus particuliers, comme celui de la politisation de la question de la peine de mort au Bélarus, ou encore le fait que les DDH n’ont pas accès aux grands médias pour s’exprimer et défendre leur cause. Le point de vue personnel du président sur la peine de mort est explicite et sans ambiguïté : il est partisan de ce type de châtiment, arguant notamment que l’opinion publique y est globalement favorable.
 
D’après vous, y a-t-il eu des progrès vers l'abolition de la peine de mort au Bélarus ? Remarquez-vous des changements d’attitude chez les autorités bélarussiennes et/ou dans la population ?

Il est difficile de répondre avec certitude à cette question. Par exemple, si on prend l’opinion publique, elle est plutôt inconsistante car la peine de mort est un sujet hautement émotif et dès qu’un crime odieux fait la une, il y a un revirement immédiat de l’opinion publique en faveur de la peine de mort : elle exige un châtiment, des mesures de rétorsion et des représailles. Souvent, cela se passe sans que la situation soit vraiment comprise, que l’enquête soit analysée ou que les atteintes aux droits humains soient prises en considération. Personne ne se demande si la personne accusée a vraiment commis le crime. D’un autre côté, quand des DDH présentent publiquement une évaluation des erreurs judiciaires et révèlent des violations des droits des détenus et des personnes déclarées coupables, assez souvent l’opinion publique change en faveur de l’abolition. L’explosion dans le métro de Minsk en 2011 est un bon exemple de ces revirements. Pour la première fois, selon nos informations et les résultats de sondages d’opinion, la majorité du pays était en faveur de l’abolition de la peine de mort, en raison d’une méfiance vis-à-vis du pouvoir judiciaire et du sentiment que les personnes présentées à la barre n’étaient pas directement impliquées dans l’attentat, ainsi qu’en raison de la rapidité du procès et de l’exécution de la peine.

L’attitude des autorités est assez prévisible. Comme je l’ai déjà mentionné, c’est un sujet politisé. En fait, l’abolition est devenue l’objet de tractations politiques. Lorsque les relations entre notre pays et l’Europe s’améliorent, la question de la peine de mort revient vite à l’ordre du jour et devient l’objet de vives discussions et de négociations entre décideurs politiques. Quand les relations se refroidissent, le débat sur la peine de mort s’arrête.

D’un autre côté, je peux vous affirmer que la peine de mort et son maintien dans notre pays sont devenus l’un des sujets les plus discutés dans les médias et je pense que c’est grâce à notre campagne, Les défenseur-e-s des droits humains contre la peine de mort au Bélarus. Quand la campagne a démarré, des dizaines de personnes étaient condamnées à mort chaque année dans notre pays. La population ne semblait pas très intéressée et les médias n’en parlaient pas. Maintenant, grâce aux défenseur-e-s des droits humains et aux journalistes qui se préoccupent de cette question, celle-ci est très présente dans les médias, ce qui signifie qu’il y a un débat continu dans la société. Les arguments pour et contre sont étudiés, la société est plus mure et d’avantage préparée à dire un NON catégorique à la peine de mort pour mettre un terme à cette machine meurtrière, au cœur même de l’Europe.

Nous savons que Viasna et vous travaillez en étroite collaboration avec les familles des condamnés à mort. D’après votre expérience, quel est l’impact de la peine capitale sur les prisonniers et leurs familles ?

Notre campagne Les défenseur-e-s des droits humains contre la peine de mort travaille sur deux domaines distincts. Le premier est la sensibilisation, j’en ai déjà parlé brièvement ci-dessus. Ce travail porte principalement sur la sensibilisation de l’opinion publique grâce à différentes manifestations, notamment des débats publics, des conférences ouvertes à tous, des présentations, des tables rondes, des festivals de musique et des concerts de rock, des publications dans les médias et des expositions. Nous réalisons un grand nombre de supports médiatiques, de documentaires, de films d’animation et de vidéos et nous avons également publié un livre intitulé La peine de mort au Bélarus. Par ailleurs, avec des collègues d’Amnistie internationale et de la FIDH, nous avons mené une recherche et préparé des rapports sur la peine capitale au Bélarus.

Un autre domaine tout aussi important est le travail juridique, qui consiste à proposer une aide juridique aux victimes d’atteintes aux droits humains – les personnes condamnées à mort et leurs familles.

Le secret qui entoure la peine de mort – notamment les conditions dans le couloir de la mort, la date et le lieu d’exécution, ainsi que le lieu de sépulture – sont en totale contradiction avec la manière dont les médias et les représentants gouvernementaux, en violation de la présomption d’innocence et des normes de procès équitable, révèlent publiquement et en toute liberté des informations liées à l’enquête, montrent les détenus à la télévision et les appellent « criminels » avant même que le tribunal ne prononce son verdict. Tout cela fait qu’il existe une pression très forte du public sur les familles des accusés, en particulier si elles vivent dans de petites villes. À ceci s’ajoute le supplice de ne rien savoir sur la situation de leurs proches, d’être totalement impuissantes face à une justice bélarussienne aveugle et indifférente, mais aucunement indépendante, et d’être complètement isolées des personnes qu’elles aiment, alors même qu’elles savent que leurs jours sont comptés. Même correspondre avec les prisonniers qui attendent dans le couloir de la mort est difficile, voire impossible. Après l’exécution, le corps n’est pas rendu à la famille, qui n’a pas la possibilité de dire au revoir dans le respect des traditions familiales et qui souvent ne connait pas la date du décès de leur proche.

Tout cela est vraiment terrible. Il y a eu des cas où des défenseur-e-s des droits humains ont eu connaissance d’exécutions et ont dû informer les mères des prisonniers, devenant ainsi, ironie du sort, messager-ère-s de la mort. Nous travaillons et continuerons à travailler avec les familles des condamnés à mort car elles ont non seulement aucun moyen d’agir juridiquement mais sont en plus assujetties à la pression publique de l’État. Elles sont en quelque sorte mises au ban de la société.

L’ABOLITION AU-DELÀ DES FRONTIÈRES

En matière de peine de mort, l’Europe a pris une place de premier plan en tant que bastion de l’abolition. Cette place s’explique en grande partie par les progrès accomplis dans la région, où la peine de mort a été presque entièrement éradiquée ces dernières décennies, et par le rôle de l’Europe dans la défense ardente de l’abolition par-delà ses frontières.

C’est en 1989 que la Cour européenne des droits de l’homme a conclu pour la première fois que les États européens avaient l’obligation de protéger de la torture et des peines ou traitements inhumains ou dégradants les personnes passibles de la peine de mort en cas d’extradition vers un autre pays. Depuis, l’interdiction d’extrader des personnes qui pourraient encourir la peine de mort, sauf si des garanties crédibles et fiables sont apportées, a non seulement trouvé écho en-dehors de l’Europe, par exemple en Afrique du Sud, mais aussi au sein de certains organes internationaux tels que le Comité des droits de l'homme des Nations unies. Ceci a incité plusieurs pays non abolitionnistes à ne pas inclure la peine capitale parmi les châtiments possibles dans de nombreux cas où il devait y avoir une extradition en provenance d’un pays abolitionniste.

L’opposition de principe de l’Europe à la peine de mort l’a également amenée à refuser de se rendre complice de l’application de ce châtiment ailleurs. Cela a plus récemment conduit l’Union européenne à durcir la réglementation concernant le commerce des outils et substances pouvant être utilisés dans des exécutions – une initiative qu’Amnistie internationale aimerait voir répliquée aussi dans d’autres régions.

Les organes et les acteurs européens ont également créé des plateformes pour poursuivre le dialogue en faveur de l’abolition, ont apporté une aide technique et des ressources pour soutenir les initiatives allant dans ce sens et ont partagé les bonnes pratiques pour réduire le recours à la peine de mort dans le monde entier. Avec l’évolution progressive du monde vers l’abolition, la communauté des pays qui ont abandonné ce châtiment s’est aussi agrandie et ses voix se sont diversifiées. Si la communauté abolitionniste s’est ainsi renforcée, le défi reste cependant le même : soutenir les acteurs et faire entendre la voix des abolitionnistes dans la minorité de pays qui ont encore recours à la peine de mort. 

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Nigéria/Royaume-Uni/Pays-Bas. Il faut diligenter une enquête sur Shell pour complicité de meurtre, de viol et de torture.

11/28/2017

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     - De nombreux documents internes et autres éléments tenus secrets tendent à prouver la complicité de Shell dans des crimes atroces commis par l’armée nigériane dans les années 1990

       - Dans un nouveau rapport, Amnistie internationale demande l’ouverture d’une information judiciaire

Amnistie internationale appelle le Nigeria, le Royaume-Uni et les Pays-Bas à diligenter une enquête sur le rôle du géant pétrolier anglo-néerlandais Shell dans une série de crimes atroces commis par l’armée nigériane en pays ogoni, une région productrice d’hydrocarbures, dans les années 1990.

L’organisation a publié une analyse qui fera date. Aux fins de ce rapport, elle a examiné des milliers de pages de documents internes de l’entreprise et de déclarations de témoins, ainsi que ses propres archives de l’époque.

La campagne militaire destinée à faire taire les Ogonis protestant contre la pollution imputable à Shell a donné lieu à des violations des droits humains graves et généralisées, dont beaucoup constituaient des infractions pénales.

« Les éléments que nous avons analysés montrent que Shell a encouragé à plusieurs reprises l’armée nigériane à faire cesser les manifestations en pays ogoni, même lorsque l’entreprise était consciente des horreurs auxquelles cela aboutirait : homicides illégaux, viols, torture, villages incendiés, a déclaré Audrey Gaughran, directrice du programme Thématiques internationales à Amnistie internationale.

« Dans ce contexte de répression brutale, Shell a même prêté à l’armée un appui matériel, notamment en matière de transport, et a versé de l’argent au moins une fois à un militaire haut gradé tristement célèbre pour les violations des droits humains qu’il commettait. Il est scandaleux que l’entreprise n’ait jamais apporté de réponse à ce sujet.

« Il ne fait aucun doute que Shell a joué un rôle clé dans les événements qui ont bouleversé le pays ogoni dans les années 1990 mais nous sommes désormais convaincus qu’il y a matière à ouvrir une information judiciaire. La mise au jour et le rassemblement d’innombrables documents tenus secrets a été une première étape nécessaire pour faire traduire Shell en justice. Nous allons maintenant préparer un dossier pénal à soumettre aux autorités compétentes en vue de poursuites. »

La campagne de l’État nigérian contre le peuple ogoni a atteint son point culminant il y a 22 ans, avec les exécutions de neuf hommes ogonis, dont Ken Saro-Wiwa, l’écrivain et militant qui dirigeait les manifestations. Ces exécutions ont fait suite à un procès manifestement inique et ont déclenché un tollé international. En juin 2017, les veuves de quatre des hommes concernés ont déposé une requête contre Shell au Pays-Bas, accusant l’entreprise de complicité dans la mort de leurs époux.

Une personne ou une entreprise peut être tenue pour pénalement responsable d’une infraction si elle l’encourage, la permet, l’aggrave ou la facilite, même sans en être l’auteur direct. Savoir que le comportement d’une entreprise risque de contribuer à une infraction ou entretenir une relation étroite avec les auteurs, par exemple, peut engager la responsabilité pénale. Dans son nouveau rapport (en anglais) intitulé A Criminal Enterprise?, Amnistie internationale défend l’idée que la société Shell était ainsi impliquée dans des crimes commis en pays ogoni.

Dans les années 1990, Shell était la plus grande entreprise du Nigeria. Pendant la crise en pays ogoni, Shell et l’État nigérian étaient des partenaires commerciaux, qui s’entretenaient régulièrement au sujet de la protection de leurs intérêts.

Selon des notes internes et des comptes-rendus de réunion, Shell a fait pression sur de hauts représentants de l’État pour obtenir un appui militaire, même après que les forces de sécurité ont tué de nombreux manifestants. Ces documents montrent aussi que l’entreprise a apporté à plusieurs reprises une aide logistique ou financière à l’armée ou à la police, alors qu’elle avait parfaitement conscience que les forces de sécurité avaient lancé des attaques meurtrières contre des villageois sans défense.

Shell a toujours nié son implication dans des violations des droits humains mais aucune enquête n’a été menée sur les allégations en question.

Ce que Shell savait

Le Mouvement pour la survie du peuple ogoni (MOSOP) a été l’instigateur des manifestations organisées en pays ogoni après plusieurs années de fuites d’hydrocarbures imputables à Shell, qui avaient détruit l’environnement. En janvier 1993, le MOSOP a déclaré que l’entreprise n’était plus la bienvenue dans la région, ce qui a contraint celle-ci à se retirer temporairement en invoquant des préoccupations liées à la sécurité.

Bien que la société ait tenté publiquement de minimiser les dommages environnementaux qu’elle avait causés, des documents internes révèlent que ses dirigeants savaient que le MOSOP avait des griefs légitimes et s’inquiétaient profondément du mauvais état des conduites.

Le 29 octobre 1990, Shell a sollicité la protection de la police mobile, une unité d’élite paramilitaire, pour son site d’Umuechem, où se déroulaient des manifestations pacifiques. Les deux jours suivants, la police mobile, armée de pistolets et de grenades, a attaqué le village, tuant au moins 80 personnes et incendiant 595 maisons. Nombre de corps ont été jetés dans une rivière voisine.

À partir de ce moment, si ce n’est plus tôt, les cadres de Shell ont compris les risques découlant des demandes d’intervention adressées aux forces de sécurité. Des éléments indiquent clairement que la société a continué à le faire malgré tout.

En 1993, par exemple, peu après avoir quitté le pays ogoni, Shell a appelé a plusieurs reprises l’État nigérian à déployer l’armée dans la région pour protéger une nouvelle conduite que des entrepreneurs étaient en train d’installer. Ainsi, 11 personnes ont été touchées par des tirs le 30 avril dans le village de Biara et un homme a été abattu le 4 mai dans celui de Nonwa.

Moins d’une semaine après cet homicide, les cadres de Shell ont organisé une série de réunions avec de hauts représentants de l’État et des forces de sécurité.

Il ressort des comptes-rendus que l’entreprise a fait pression activement sur les autorités et les forces de sécurité afin de pouvoir continuer à mener ses activités en pays ogoni, en échange d’une aide « logistique », au lieu de soulever le problème des coups de feu tirés sur des manifestants sans arme.

Soutien financier

Shell a aussi proposé un soutien financier. Un document interne révèle que, le 3 mars 1994, la société a versé plus de 900 dollars des États-Unis à l’Équipe spéciale chargée de la sécurité intérieure (ISTF), une unité créée pour « restaurer l’ordre » en pays ogoni. Dix jours seulement auparavant, le commandant de cette unité avait ordonné de tirer sur des manifestants sans arme devant le siège régional de Shell, à Port Harcourt. Selon le document, l’entreprise aurait fait ce geste financier pour montrer sa gratitude et inciter l’ISTF à être constamment bien disposée à son égard lors de ses futures missions. 

« Plusieurs fois, les demandes d’aide adressées par Shell à l’État pour régler ce que l’entreprise appelait le “problème ogoni” ont été suivies d’une nouvelle vague de violations brutales des droits humains par l’armée en pays ogoni. Il est difficile de ne pas y voir un lien de cause à effet ou de supposer que Shell n’avait pas conscience, à l’époque, de la manière dont ses sollicitations étaient interprétées, a déclaré Audrey Gaughran.

« L’entreprise a parfois joué un rôle plus direct dans les opérations sanglantes, notamment en transportant des membres des forces armées pour qu’ils mettent fin à des manifestations, même lorsque les conséquences étaient devenues évidentes. Cela revenait sans équivoque à permettre ou à faciliter les crimes atroces qui étaient commis par la suite. »

Des villages désignés

Le 13 décembre 1993, peu après le putsch qui a porté au pouvoir le général Sani Abacha, Shell a écrit au nouvel administrateur militaire de l’État de Rivers, désignant nommément les villages où des manifestations hostiles à son égard avaient eu lieu et demandant de l’aide.

Un mois plus tard, les autorités ont créé l’ISTF. Dans le courant de l’année 1994, les violences faites aux Ogonis ont atteint des sommets dans l’horreur lorsque l’ISTF a mené des raids contre des villages, où ses membres ont tué, violé, torturé et procédé à des arrestations.

Selon un rapport d’Amnistie internationale publié le 24 juin 1994, une trentaine de villages avaient été attaqués et plus de 50 Ogonis auraient été victimes d’une exécution extrajudiciaire. Le commandant de l’ISTF s’en est vanté à la télévision et ces raids ont été largement médiatisés. En juillet 1994, l’ambassadeur des Pays-Bas à signalé à Shell que l’armée avait tué quelque 800 Ogonis.

Ken Saro-Wiwa dans la ligne de mire

Des documents internes montrent que Brian Anderson, alors président de Shell au Nigeria, a rencontré le général Sadi Abacha à trois reprises au moins en 1994 et 1995, au plus fort de la crise en pays ogoni. Le 30 avril 1994, il a soulevé le « problème des Ogonis de Ken Saro-Wiwa » et décrit les conséquences économiques de l’opposition du MOSOP.

​Ken Saro-Wiwa était déjà dans la ligne de mire des autorités et, en citant son nom, Brian Anderson a dangereusement encouragé une action contre lui. Il a expliqué qu’il était ressorti de l’entretien avec le sentiment que Sadi Abacha ferait intervenir l’armée ou la police.

Dans le mois qui a suivi, Ken Saro-Wiwa et d’autres dirigeants du MOSOP ont été arrêtés, accusés sans preuve d’être impliqués dans le meurtre de quatre chefs traditionnels de premier plan et détenus au secret. Ils ont été soumis à des actes de torture et d’autres mauvais traitements en détention, avant d’être déclarés coupables à l’issue d’un procès fantoche et exécutés en novembre 1995.

D’après les documents examinés par Amnistie internationale, Shell savait qu’il était fort probable que Ken Saro-Wiwa soit déclaré coupable et exécuté. Malgré cela, l’entreprise a continué à chercher des moyens de résoudre le « problème ogoni » avec les autorités. Il est donc difficile de croire qu’elle n’a pas encouragé, voire approuvé les mesures prises contre Ken Saro-Wiwa et les autres personnes concernées.

Amnistie internationale demande l’ouverture d’une enquête dans les trois pays ayant compétence dans cette affaire : le Nigeria, où les crimes ont été commis, et le Royaume-Uni et les Pays-Bas, où se trouvent les sièges de Shell.

« Dans les dernières paroles qu’il a adressées au tribunal qui l’a déclaré coupable, Ken Saro-Wiwa a prévenu que Shell se retrouverait un jour devant la justice. Nous sommes déterminés à faire en sorte que cela devienne réalité, a déclaré Audrey Gaughran.

« Il faut que justice soit rendue, pour Ken Saro-Wiwa et pour les milliers d’autres personnes dont la vie a été détruite du fait des dommages irréversibles occasionnés par Shell en pays ogoni. »

Complément d’information

Des documents internes, notamment des télécopies, des lettres et des courriels échangés entre différents bureaux de Shell montrent que le personnel basé au Nigeria ne porte pas seul la responsabilité des agissements de l’entreprise pendant la crise en pays ogoni. Ils indiquent en effet que la direction, à La Haye et à Londres, avait pleinement conscience, de bout en bout, de ce qui se passait au Nigeria.

Une note fait référence à l’aval donné au plus au niveau de l’entreprise sur une stratégie détaillée élaborée par Shell Nigeria en décembre 1994 pour répondre à d’éventuelles critiques à la suite des manifestations des Ogonis. En mars 1995, les dirigeants de Shell à Londres ont rencontré des représentants de l’armée nigériane dans cette ville et sont convenus d’organiser des entretiens réguliers afin de partager des informations.

Amnistie internationale a écrit à Royal Dutch Shell et à Shell Nigeria en vue de recueillir leurs réactions. Voici la réponse de Shell Nigeria :

« Les allégations contre [Royal Dutch Shell] et [Shell Nigeria] citées dans votre lettre sont fausses et dénuées de fondement. [L’entreprise Shell Nigeria] ne s’est pas entendue avec les autorités militaires pour réprimer des troubles communautaires et n’a aucunement encouragé ni prôné un quelconque acte de violence au Nigeria. En réalité, elle est convaincue que le dialogue est le meilleur moyen de résoudre les différends. Nous avons toujours nié ces allégations avec la plus grande fermeté. »

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Nigéria. Une entreprise criminelle ? L'implication de Shell dans des violations des droits humains au Nigéria dans les années 1990.

11/28/2017

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En novembre 1995, l'État nigérian a arbitrairement exécuté neuf hommes à l’issue d’un procès manifestement inéquitable. Ces exécutions ont déclenché un tollé au sein de la communauté internationale. Les États-Unis et l'Union européenne ont imposé des sanctions au Nigeria. Le pays a également été suspendu du Commonwealth. Officiellement accusés d'implication dans un meurtre, ces hommes avaient de fait été traduits en justice pour s’être opposés au géant pétrolier anglo-néerlandais Shell au sujet de son impact dévastateur sur le pays ogoni dans le delta du Niger, la région pétrolière du Nigeria.

Les exécutions ont été le point culminant d’une campagne brutale menée par l’armée nigériane en vue d’étouffer les manifestations du Mouvement pour la survie du peuple ogoni (MOSOP), dirigé par l’auteur et défenseur des droits humains Ken Saro-Wiwa, l’un des hommes exécutés. Le MOSOP protestait contre le fait que des tiers s’étaient enrichis grâce au pétrole extrait sur les terres des Ogonis et que la pollution due aux déversements et aux torchères avait « provoqué une dégradation profonde de l’environnement, à l’origine d’une catastrophe écologique ». En janvier 1993, le MOSOP a déclaré que l’entreprise Shell n’était plus la bienvenue en pays ogoni. Les autorités militaires ont réagi avec force aux actions du MOSOP et ont commis, dans ce contexte, beaucoup de graves violations des droits humains, notamment des homicides illégaux à l’encontre de centaines d’Ogonis, des actes de torture et d’autres mauvais traitements, y compris des viols et la destruction des habitations et des moyens de subsistance des populations. Nombre de ces atteintes aux droits humains constituaient également des infractions pénales.

Le présent rapport s’intéresse au rôle joué par la multinationale anglo-néerlandaise Shell dans ces actes de violations des droits humains et ces infractions. L’entreprise a joué un rôle central dans les événements survenus en pays ogoni dans les années 1990, cela est indéniable : à l’époque le MOSOP protestait contre les impacts environnementaux et sociaux négatifs des activités de Shell sur la communauté ogoni. Il demandait le départ de l'entreprise de la région. Invoquant des raisons sécuritaires, Shell avait arrêté ses activités en pays ogoni au début de l’année 1993, mais par la suite, elle avait cherché à revenir dans la région et à mettre fin aux manifestations du MOSOP.

Shell a toujours nié avoir joué un rôle dans les violences et les violations flagrantes des droits humains commises en pays ogoni dans les années 1990. Toutefois, Amnistie internationale a procédé à l’examen détaillé de plusieurs milliers de pages de documents internes de l’entreprise ainsi que des témoignages qui révèlent ce que Shell savait et les relations qu’elle entretenait avec les forces de sécurité nigérianes durant toute cette période. De nombreux documents de l'entreprise mentionnés dans le présent rapport ont été publiés dans le cadre de procédures judiciaires engagées aux États-Unis. Ils incluent des comptes rendus de réunions avec les dirigeants nigérians, y compris le général-président Sani Abacha, des documents de stratégie, des notes internes et des lettres adressées à des hauts responsables. Le rapport s’appuie également sur les archives d'Amnistie internationale et sur son travail dans le delta du Niger à l'époque. C’est la première fois qu’une organisation compile toute cette documentation et l’analyse. Selon Amnistie internationale, ces éléments soulèvent de graves questions sur l'ampleur de l'implication de Shell non seulement dans des violations flagrantes des droits humains mais également dans des comportements criminels.

SHELL ET LE GOUVERNEMENT NIGÉRIAN : « INEXTRICABLEMENT LIÉS »
Dans les années 1990, Shell était de loin la plus grande entreprise implantée au Nigeria. En 1995, elle extrayait près d'un million de barils de pétrole brut par jour, soit environ la moitié de la production nationale. Les exportations d’hydrocarbures du Nigeria représentaient 95,7 % des recettes de sources étrangères du pays. Elles étaient donc vitales pour son économie.

Ainsi, il était de l’intérêt et de l’État nigérian et de l'entreprise de veiller à ce que le pétrole continue de couler à flot. Shell et le gouvernement étaient des partenaires commerciaux qui exploitaient les gisements de pétrole nigérians à très haut rendement dans le cadre d’une co-entreprise. Les deux entités étaient en contact permanent, ainsi que le président de Shell Nigeria de 1994 à 1997, Brian Anderson l’a reconnu : « Le gouvernement et l'industrie pétrolière sont inextricablement liés. »

Les activités de Shell au Nigeria ont également largement contribué au bilan global de la multinationale. Un document de stratégie interne datant de 1996 révèle que le Nigeria abritait la plus grande partie des réserves pétrolières et gazières mondiales de l’entreprise et que Shell Nigeria avait « accès à la plus grande base de ressources d'hydrocarbures à faible coût du groupe qui permettrait de maintenir la production de pétrole pendant près de 100 ans au niveau d’alors ».

Les manifestations des Ogonis privaient non seulement Shell et le gouvernement de l'accès aux puits dans cette région, mais elles menaçaient également de perturber le fonctionnement d'un oléoduc qui assurait le transport du pétrole en provenance des autres régions à travers le pays ogoni. Le gouvernement à Abuja craignait également que les manifestations se répandent à travers toute la région pétrolière où à d'autres communautés qui partageaient les griefs des Ogonis. D’après une note interne de Shell, le général Sani Abacha qui était arrivé au pouvoir par un coup d'État en novembre 1993, « semblait avoir du mal à croire qu'une si petite tribu puisse avoir l'effronterie de causer tant de problèmes ».

SHELL SAVAIT QUE LES GRIEFS DU MOSOP ÉTAIENT LÉGITIMES.
Tout en présentant les manifestations des Ogonis comme un problème essentiellement économique, Shell a minimisé les inquiétudes environnementales de la communauté et d’autres problèmes. Shell a nié dans plusieurs déclarations publiques que ses activités avaient occasionné des problèmes environnementaux. Ce qui était totalement faux. Les documents internes révèlent que les hauts dirigeants étaient très préoccupés par le mauvais état des oléoducs vieillissants, mal entretenus et non étanches. C’est ainsi qu’en novembre 1994, Bopp Van Dessel, le chargé des études environnementales à Shell Nigeria a démissionné de son poste se disant incapable de défendre le bilan environnemental de l'entreprise « sans perdre son intégrité personnelle ». Bopp Van Dessel a rendu publiques ces allégations lors d’un entretien accordé à une chaîne de télévision en 1996. Il a déclaré ceci :

« [Les dirigeants de Shell] ne respectaient pas leurs propres normes ; ils ne respectaient pas les normes internationales. Tous les sites de l’entreprise que j’ai vus étaient pollués. Tous les terminaux que j’ai vus étaient pollués. Pour moi, il était évident que Shell était en train de détruire la zone. »

Alors que les déclarations de Bopp Van Dessel portent sur l'ensemble des activités de Shell dans le delta du Niger, d'autres sources crédibles fournissent des preuves de la situation qui a prévalu en pays ogoni. Après s’être penchée sur cette situation en 1996, la Commission africaine des droits de l'homme et des peuples a conclu que les niveaux de pollution et de dégradation de l'environnement dans la région étaient « humainement inacceptables et avaient contribué à faire de la vie en pays ogoni un véritable cauchemar ». Une étude scientifique menée en 2011 par le Programme des Nations unies pour l’environnement (PNUE) sur l'environnement du pays ogoni a confirmé que l’air, l'eau et le sol étaient gravement pollués et que la pollution par les hydrocarbures remontait à plusieurs décennies.

VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS EN PAYS OGONI DE 1993 À 1996.
En janvier 1993, Shell s'est retirée du pays ogoni alléguant des problèmes de sécurité pour son personnel. Certaines de ces inquiétudes étaient fondées : le personnel de Shell avait à plusieurs reprises fait l'objet d'intimidations et d'agressions physiques. Shell a tenté de faire porter la responsabilité de ces attaques au MOSOP, mais Ken Saro-Wiwa et le MOSOP avaient toujours souligné le caractère pacifique du mouvement. Ils avaient de même activement tenté d'arrêter les membres de la communauté qui se livraient à des violences.

Bien qu’ayant annoncé son retrait de la région et sachant que le peuple ogoni ne souhaitait plus sa présence, Shell a demandé à ses entrepreneurs d’installer un nouvel oléoduc dans la région. L’entreprise qui savait bien que le risque était grand que les forces de sécurité réagissent aux manifestations de la communauté par un recours à la force excessive, voire meurtrière a tout de même exhorté l'armée à repousser les manifestants qui tentaient de bloquer les travaux. Le 30 avril 1993, dans le village de Biara, des soldats qui assuraient la sécurité des entrepreneurs de Shell ont ouvert le feu sur des manifestants, blessant 11 d'entre eux. Plusieurs jours plus tard, à Nonwa, des soldats ont à nouveau tiré sur des manifestants, faisant un mort. Rien ne prouve que les forces armées avaient été attaquées par les membres de la communauté ou que leur recours à la force ait été de quelque manière que ce soit proportionnel ou justifié.

À partir de la mi-1993, les forces de sécurité ont provoqué à une série d'attaques violentes contre les Ogonis et y ont pris part. Par la suite, le gouvernement a cherché, en vain, à imputer ces attaques aux tensions intercommunautaires. Un rapport officiel publié en 2002 a conclu que ces attaques avaient provoqué la mort d'environ 1 000 personnes, détruit dix villages et fait 30 000 sans-abri. Les rescapés ont raconté aux journalistes que certains des assaillants portaient des uniformes de l'armée et qu’ils avaient fait usage d’armes automatiques et de grenades. De nombreuses personnes ont perdu la vie suite à l’usage arbitraire de la force meurtrière, tandis que d'autres ont été exécutées de manière extrajudiciaire. En 1996, deux soldats interrogés par Human Rights Watch ont déclaré avoir participé à une attaque.

À la suite de ces attaques, Shell a tenté de retourner sur les terres des Ogonis en octobre 1993 pour inspecter ses sites de production pétrolière – sous escorte de l'armée nigériane. Compte tenu des événements de Biara et de Nonwa ainsi que des attaques très médiatisées qui avaient déchiré le peuple ogoni, cette démarche était imprudente et provocatrice. Des manifestations ont de nouveau éclaté dans le village de Korokoro. Les versions divergent sur le déclenchement des affrontements, toutefois il s’avère que les militaires ont ouvert le feu, tuant un autre homme.

Peu après, en novembre 1993, le ministre de la Défense, le général Sani Abacha s'emparait du pouvoir par un coup d'État. Il interdit toute activité politique, remplace les gouverneurs civils par des administrateurs militaires, emprisonne et fait exécuter des opposants. Le gouvernement Abacha met en place la Rivers State Internal Security Task Force (ISTF) pour « restaurer et préserver la loi et l'ordre public en pays ogoni ». L'un des objectifs était de faire en sorte que les personnes « exerçant une activité économique…ne soient pas agressées ». À l’époque, Shell et ses sous-traitants étaient les seuls acteurs économiques majeurs en pays ogoni. Ce qui laisse supposer que dès le départ, l’objectif principal de l'ISTF était de permettre à Shell, la plus grande entreprise du pays ogoni, de reprendre ses activités.

Le 12 mai 1994, le commandant de l'ISTF, le lieutenant-colonel Paul Okuntimo a exposé ses plans dans une note confidentielle que le MOSOP a pu se procurer et qu’il a communiquée aux médias. Dans ce document, Paul Okuntimo confiait que :

« Les activités de Shell toujours impossibles à moins que des opérations militaires brutales ne soient engagées pour assurer le bon démarrage des activités économiques. »

Amnistie internationale n'a pas pu vérifier de manière indépendante l'authenticité de la note. Shell pour sa part a mis en cause son authenticité. Toutefois, quelques jours après sa publication, la crise en pays ogoni s'est aggravée.

Le 21 mai 1994, des dirigeants du MOSOP, dont Ken Saro-Wiwa, ont été accusés d'implication dans le meurtre de quatre éminents chefs traditionnels puis arrêtés par l'ISTF. Ils ont été victimes d’actes de torture et d'autres mauvais traitements en détention. Pendant ce temps, l'ISTF lançait des raids sur les villages ogonis. Elle a commis de nombreuses exécutions extrajudiciaires et plusieurs autres exactions, violé des femmes et des jeunes filles et incarcéré et torturé de nombreuses personnes. Le commandant de l’ISTF est passé à la télévision et a publiquement reconnu certaines tactiques employées par l’armée :

« Pendant les trois premiers jours de l'opération, j'ai procédé à des attaques dans la nuit. Personne ne savait d'où venait l'attaque. Ma stratégie était très simple, des détachements de soldats étaient constitués et postés aux quatre coins de la ville. Ils… sont armés de fusil[s]d'assaut dont le bruit rappelle la mort. Quiconque les entend s'immobilise sur-le-champ. »

On ignore encore le nombre de personnes qui ont trouvé la mort au cours de ces attaques avant que la tension ne redescende vers la fin août 1994. Selon un rapport d'Amnistie internationale publié le 24 juin 1994, une trentaine de villages ont été attaqués et « plus de 50 membres de l'ethnie ogoni auraient été exécutés de manière extrajudiciaire ». En juillet de la même année, l'ambassadeur néerlandais a révélé au géant pétrolier que l'armée avait tué environ 800 Ogonis.

SHELL CONNAISSAIT LE RISQUE D’UN RECOURS À UNE INTERVENTION MILITAIRE
Il existe des preuves irréfutables que Shell savait que les forces de sécurité nigérianes avaient commis de graves violations lorsqu'elles ont été déployées pour réprimer les manifestations de la communauté. L’entreprise connaissait les risques depuis au moins 1990, année où Shell avait sollicité l'aide d'une unité de police paramilitaire pour contrer des manifestants pacifiques dans le village d'Umuechem, également dans le delta du Niger. D'après une enquête officielle, les forces de police avaient fait une descente musclée dans la communauté « telle une armée d'invasion qui s'était jurée de prendre jusqu’à la dernière goutte de sang de l'ennemi », et les policiers, armés de fusils d’assaut et de grenades avaient tué 80 personnes.

Il ressort clairement des déclarations publiques et des documents internes de l'entreprise qu'au moins à partir de ce moment-là les dirigeants de Shell connaissaient et comprenaient les risques liés à une intervention des forces de sécurité contre les manifestants. C'était bien avant que l'ISTF ne procède au lancement de ses opérations en mai 1994. Par exemple, une note interne de Shell datée du 23 février 1993 révèle que les hauts dirigeants de Shell craignaient qu'une « présence militaire [...] ne débouche sur des affrontements qui pourraient avoir des conséquences catastrophiques ».

Ces risques ont été confirmés par trois autres épisodes avec des manifestants sur la période 1992-1993 : la mort d'un homme et plusieurs autres blessés sur l'île Bonny en juillet 1992, après que Shell eut dépêché par avion une « Force d'intervention rapide » constituée d’un contingent de la police paramilitaire sur le terrain ; et par les deux événements mentionnés plus haut, lorsque des soldats ont ouvert le feu sur des riverains le long de l’oléoduc en avril et mai 1993. En février 1994, Shell avait reçu une confirmation supplémentaire – comme s'il en était besoin – des risques spécifiques associés au recours à une intervention militaire, lorsque l'ISTF alors sous les ordres du lieutenant-colonel Paul Okuntimo a tiré sur des milliers de manifestants pacifiques devant le portail principal du siège de Shell à Port Harcourt, faisant plusieurs blessés dans la foule.
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SHELL ÉTAIT AU COURANT DES VIOLATIONS DES DROITS HUMAINS COMMISES EN PAYS OGONI
À partir de la mi-1993, au moment de la recrudescence de la violence en pays ogoni, il est inconcevable que Shell n'ait pas été informée de la détérioration de la situation des droits humains. L'implication des forces armées a fait l'objet de nombreux rapports à l'époque, tant au Nigeria que sur la scène internationale. Plusieurs organisations dont Amnesty International ont publié de nombreux documents attirant l'attention sur des épisodes particuliers, tels que la détention de Ken Saro-Wiwa et les exécutions extrajudiciaires d’Ogonis par les forces de sécurité.

Ce que savait le géant pétrolier allait bien au-delà des événements largement médiatisés. Les dirigeants rencontraient régulièrement les hauts responsables du gouvernement pour discuter de la stratégie de ce dernier pour faire face aux manifestations des Ogonis. Shell entretenait des liens étroits avec l'Agence de sécurité intérieure du Nigeria. L'ancien chef de la sécurité de Shell pour la région a fait une déclaration en tant que témoin dans laquelle il a révélé qu'il partageait quotidiennement des informations avec ce service.

SHELL A ENCOURAGÉ LE GOUVERNEMENT À METTRE FIN AUX MANIFESTATIONS DES OGONIS
Les documents internes de Shell révèlent que les dirigeants de l'entreprise ont à plusieurs reprises attiré l'attention des hautes autorités du gouvernement sur les répercussions économiques des manifestations des Ogonis et qu’ils leur ont demandé de résoudre le « problème ».

Par exemple, le 19 mars 1993, Shell a adressé une lettre au gouverneur de l’État de Rivers, où vit le peuple ogoni, lui demandant « d'intervenir pour [lui] permettre de mener à bien [ses] activités, vu [leur] caractère stratégique pour l'économie de la Nation ».

Après que le général Sani Abacha s’est emparé du pouvoir en novembre 1993, Shell a écrit presque immédiatement au nouvel administrateur militaire de l’État de Rivers (le 13 décembre) en indiquant que « les troubles, les barrages et le sabotage mené par la communauté avaient occasionné une baisse de la production de près de neuf millions de barils au cours de l'année ». L’entreprise a ainsi sollicité son aide afin de « réduire les perturbations ». Dans sa lettre, le géant pétrolier a nommé les communautés concernées, à savoir celles du pays ogoni. Peu de temps après, l'administrateur militaire a procédé à la mise en place de l’ISTF.

Shell a ensuite eu d'autres occasions de faire pression sur le gouvernement pour l’amener à agir. Le président de Shell Nigeria de l'époque, Brian Anderson, a été reçu à au moins trois reprises par Sani Abacha au plus fort de la crise ogoni entre 1994 et 1995. Lors de leur première rencontre (qui s’est tenue le 30 avril 1994), Brian Anderson a indiqué qu'il avait soulevé « le problème ogoni et Ken Saro-Wiwa, soulignant que Shell avait été absente de la région depuis près d'un an. Nous lui avons fait part des dégâts qu'ils avaient occasionnés sur les sites de nos opérations et dont il n'avait apparemment pas conscience. »

Entre 1994 et 1995, période pendant laquelle s'inscrivent plusieurs des événements mentionnés dans le présent rapport, Shell et le gouvernement étaient également en pourparlers au sujet d'un projet de gaz naturel liquéfié d’une valeur de 4 milliards de dollars (l'un des investissements les plus importants en Afrique à l’époque). Shell a annoncé la poursuite de ce projet de partenariat seulement cinq jours après l'exécution des neuf militants ogonis.

SHELL A SOLLICITÉ ET ENCOURAGÉ L’INTERVENTION DES FORCES DE SÉCURITÉ ET DES AUTORITÉS MILITAIRES NIGÉRIANES
Même si le géant pétrolier savait que de graves violations des droits humains étaient quasi inévitables, il a encouragé et sollicité l'intervention des forces de sécurité nigérianes et des autorités militaires. En 1993, Shell a demandé à plusieurs reprises au gouvernement nigérian de déployer l'armée en pays ogoni pour empêcher que des manifestations ne perturbent la pose du gazoduc. Onze personnes ont été blessées par balle à Biara le 30 avril et un homme a été tué par balle à Nonwa, le 4 mai. D'après un document interne de Shell, les dirigeants de l’entreprise ont même conseillé à l'armée nigériane de ne pas libérer les manifestants arrêtés tant que l'armée ne recevrait pas des engagements de la part de leur communauté de mettre fin aux manifestations, ce qui revenait à solliciter directement une violation des droits humains des détenus.

Shell a également présenté des demandes générales pour l'intervention des autorités militaires en pays ogoni. Les dirigeants de Shell ont rencontré des hauts responsables du gouvernement et de la sécurité à Abuja le 11 mai 1993 après que l’entreprise eut décidé de suspendre la pose du gazoduc à la suite des affrontements entre les manifestants et l'armée. Lors d'une réunion avec l'inspecteur général de la police, « nous avons saisi cette occasion pour souligner la nécessité d'une présence policière supplémentaire dans des endroits stratégiques et d’offrir un appui logistique (puisqu’ils sont incapables de le faire eux-mêmes) ». Plus tard dans la même journée, en présence du directeur général de l'Agence du renseignement, le SSS, Shell a une nouvelle fois réitéré sa « demande de renfort des effectifs de la police et de l’armée ».

Les procès-verbaux de ces réunions montrent que Shell faisait activement pression sur le gouvernement et les forces de sécurité pour obtenir leur soutien – et proposait en retour une aide « logistique ». À en juger par les notes prises par le géant pétrolier lors de ces réunions, les dirigeants de Shell n'ont fait part d’aucune préoccupation aux autorités gouvernementales au sujet des manifestants non armés en pays ogoni sur lesquels l'unité de l'armée qui gardait le gazoduc venait de tirer.

Au début de l'année suivante, les autorités militaires mettaient en place l'ISTF. Le 3 mars 1994, le lieutenant-colonel Okuntimo, commandant de l’ISTF, ainsi que 25 éléments de sa troupe percevaient des « honoraires » de la part du géant pétrolier en guise de « remerciement et de motivation pour les dispositions durables prises à l'égard de [Shell] en faveur de ses futures opérations ».

Selon Shell, ces honoraires portaient sur une opération menée à Korokoro à la fin de 1993, au cours de laquelle des soldats avaient tiré sur une personne à la suite d'un affrontement avec des manifestants. Le montant des honoraires s'élevait à 20 000 nairas (soit 909 dollars), au titre des frais de restauration et des « indemnités de service spécial ». Cependant, la note interne suggère que Shell attendait de la force militaire qu’elle mène « d’autres missions » pour le compte de l'entreprise. Shell a approuvé les émoluments versés au lieutenant-colonel Okuntimo quelques jours seulement après qu'il a ouvert le feu sur des manifestants pacifiques devant le siège de l’entreprise à Port Harcourt.

Comme indiqué plus haut, les documents publiés par Shell comprennent les comptes rendus des trois audiences accordées à Brian Anderson par le général Sani Abacha durant la crise. Lors de la première réunion tenue le 30 avril 1994, Anderson a indiqué qu'il en était sorti avec le sentiment que Sani Abacha, « ferait intervenir les forces militaires ou la police ». Brian Anderson a affirmé avoir clairement indiqué à Sani Abacha qu'il avait demandé au personnel de Shell de « ne pas impliquer l'un ou l'autre des deux corps dans les récents événements de peur que la situation ne s'envenime et que Shell ne soit accusée d’être la main noire derrière les forces de l'ordre, voire même d'être responsable de la crise ». Toutefois, le compte rendu de la réunion présenté par Brian Anderson ne suggère pas qu'il ait demandé au général Abacha de ne pas recourir à l’intervention militaire qu'il semblait envisager. Il en ressort seulement que Brian Anderson n'avait pas voulu que le personnel de Shell implique l'armée ou la police dans les « événements récents ».

Le 5 août 1994, Brian Anderson a obtenu une nouvelle rencontre avec le général Abacha. Bien qu’étant informé que Ken Saro-Wiwa et des dizaines d'autres personnes étaient alors en détention et que de nombreux Ogonis avaient été tués lors de raids de l’ISTF, les notes de Brian Anderson sur la réunion ne font état d’aucun de ces événements.

Une semaine après cette réunion, et en dépit du fait que Brian Anderson savait que l'armée menait des opérations violentes et brutales en pays ogoni, le directeur de Shell a sollicité le déploiement de l’armée sur le terrain afin d’assurer la sécurité des installations de l’entreprise à Bomu, en pays ogoni. Dans une note adressée à ses supérieurs à Londres et à La Haye, Brian Anderson a reconnu que cette demande enfreignait dans une certaine mesure [leur] politique de « refus de la protection militaire ».

Toutefois, comme l'indiquent clairement les éléments présentés dans ce rapport, la politique de « refus de la protection militaire » prônée par Shell était au mieux incohérente et parfois n’était guère qu’une fiction de relations publiques. L’entreprise a sollicité à maintes reprises l'intervention des forces militaires ou de sécurité en pays ogoni pour assurer la protection de ses équipements et de ses activités économiques alors qu’elle connaissait parfaitement les risques auxquels les communautés seraient confrontées.

En outre, tous les éléments rassemblés indiquent que Shell savait pertinemment que les griefs du MOSOP étaient légitimes et que l'environnement dont dépendait presque totalement l’existence du peuple ogoni était de fait dévasté par la pollution pétrolière. Toutefois, Shell n'a jamais proposé de solutions alternatives à ses divers interlocuteurs politiques et militaires pour répondre aux préoccupations du peuple ogoni et du MOSOP.

SHELL A FOURNI UN SOUTIEN ET UNE ASSISTANCE MATÉRIELLE AUX FORCES ARMÉES
Shell a fourni un soutien logistique et versé des honoraires de façon régulière aux forces de sécurité dans les années 1990. Brian Anderson, ancien président de Shell Nigeria a expliqué qu’il s'agit d'une pratique courante avec l’armée :

« En réalité, tout contact opérationnel avec le gouvernement nécessite un appui financier et logistique de la part de Shell. Par exemple, pour que des représentants du ministère des Ressources pétrolières puissent se déplacer pour constater un déversement d'hydrocarbures, nous devons souvent fournir des moyens de transport et d'autres commodités. Il en est de même pour la protection militaire. » (soulignement ajouté)

Shell gérait un effectif important des forces de police qui assuraient la sécurité du personnel et des biens de l'entreprise. Les documents montrent que cette force comprenait une équipe d'agents d’infiltration qui recevaient une formation des services de sécurité. D’après un ancien responsable de la sécurité de Shell, cette équipe a conduit des opérations de collecte de renseignements dans le delta du Niger, y compris en pays ogoni. Le responsable a indiqué qu'il partageait au quotidien des informations avec les services de sécurité.

Comme indiqué plus haut, Shell a reconnu avoir versé des émoluments au lieutenant-colonel Paul Okountimo et à ses hommes pour avoir effectué une patrouille en pays ogoni en octobre 1993. Le président de Shell Nigeria d’alors, Brian Anderson, a affirmé que ce paiement était la seule occasion où Shell était entré en contact avec Paul Okuntimo.

Paul Okuntimo a déclaré deux fois à la presse avoir été en contact avec Shell tout au long de la crise, bien que ces déclarations soient contradictoires. Selon le Sunday Times (de Londres), Paul Okuntimo a reconnu le 17 décembre 1995 devant les journalistes que Shell les avait effectivement payés, lui et ses soldats. Il a déclaré que « Shell a apporté une aide logistique sous la forme d’un appui financier. Pour faire cela, nous avions besoin de ressources et Shell les a fournies. » Au cours d’une interview télévisée en 2012 (accordée par le désormais général à la retraite) Paul Okuntimo a nié avoir reçu le « moindre centime » de la part de Shell. Il a toutefois indiqué que Shell avait secrètement maintenu le contact avec lui, en l’encourageant à intervenir en pays ogoni.

« Il y a cet idiot qui venait tout le temps me trouver même lorsque j’étais à la prière à l’église pour me dire qu’il y avait des problèmes en pays ogoni, et ci et ça... »

Il existe d’autres preuves de financement occulte effectué par Shell pour le compte de Paul Okuntimo, notamment les dépositions de trois témoins, anciens membres des forces de sécurité nigérianes. Boniface Ejiogu était le subordonné du lieutenant-colonel Okuntimo depuis mai 1994. Boniface Ejiogu a déclaré que Shell avait fourni une aide logistique à l’ISTF. Il a également déclaré avoir aperçu Paul Okuntimo dans un hélicoptère utilisé dans les opérations menées par Shell ainsi que des soldats convoyés par des cars et des bateaux fournis par l’entreprise. Il a indiqué qu’en vue des « opérations de nuit » menées par l’ISTF, Paul Okuntimo sollicitait George Ukpong, alors chef de la sécurité de Shell pour la mise à disposition de pickups de l’entreprise. Il a également déclaré avoir assisté de façon régulière à des livraisons de nourriture effectuées dans le camp de l’ISTF par l’entreprise.

Boniface Ejiogu a affirmé avoir remis de l’argent à deux reprises au lieutenant-colonel Okuntimo de la part de George Ukpong. Ces déclarations de Boniface Ejiogu à propos de l’argent reçu par le lieutenant-colonel Okuntimo ont été étayées par Raphael Kponee, policier détaché pour la surveillance des sites de Shell. Eebu Jackson Nwiyon, un ancien membre du MOPOL, a lui aussi révélé avoir été témoin de remises de sommes d’argent aux forces de sécurité ainsi qu’au lieutenant-colonel Okuntimo par le personnel de Shell.

COMPLICITÉ DANS L’ERREUR JUDICIAIRE ET L’EXÉCUTION DONT ONT ÉTÉ VICTIMES NEUF MILITANTS OGONIS
Le point culminant dans la campagne de répression menée par le gouvernement nigérian contre les manifestants du MOSOP a été l’exécution de neuf militants ogonis le 10 novembre 1995. Shell a encouragé et incité en toute connaissance de cause l’armée à mettre fin aux manifestations du MOSOP, en dépit des violations répétées des droits humains en pays ogoni qui ont visé principalement Ken Saro-Wiwa et le MOSOP. En désignant Ken Saro-Wiwa et le MOSOP comme étant le problème, Shell a fait preuve d’irresponsabilité et a fortement exposé Ken Saro-Wiwa ainsi que tous ceux qui entretenaient des liens avec le MOSOP. Après les arrestations et au cours du procès inique, la nature du danger est apparue clairement. Toutefois, Shell continué de discuter avec le gouvernement sur les moyens d’en finir avec le « problème ogoni » et ce, malgré l’emprisonnement et les tortures dont les opposants étaient victimes et sans manifester la moindre préoccupation pour le sort des prisonniers. Une telle attitude ne pouvait qu’encourager et favoriser les actions menées par l’armée gouvernementale.

Plus tard, Shell a soutenu qu’elle agissait en coulisses pour obtenir la libération de Ken Saro-Wiwa et de ses codétenus, toutefois Amnistie internationale n’a pas retrouvé la moindre preuve de telles tractations dans les nombreux documents internes de Shell pour la période concernée. Selon un message envoyé en guise de réponse vers l’Europe par Brian Anderson, un mois après les exécutions, le président Sani Abacha a adressé ses compliments à Shell pour la position adoptée, tout en faisant référence au projet d’usine d’exploitation de gaz naturel d’une valeur de 4 milliards de dollars dont Shell avait annoncé peu de temps auparavant qu’il allait se poursuivre.

« Le Chef [d’État Abacha] a exprimé à S[honekan, ancien cadre de Shell et ancien chef d’état] sa joie de voir que Shell était restée ferme malgré la pression, et lui a demandé de me transmettre ses remerciements. (...) Il s’est réjoui particulièrement du projet NLNG. »

LA RESPONSABILITÉ DE LA MAISON-MÈRE DE SHELL AU ROYAUME-UNI ET AUX PAYS-BAS

Des documents internes de l’entreprise montrent que la responsabilité des activités de Shell pendant la crise ogoni n’était pas limitée au personnel basé dans le pays. Ces documents fournissent un aperçu unique du fonctionnement interne d’une des plus grandes multinationales en temps de crise. Ils montrent qu’au moins à partir de la nomination du Britannique Brian Anderson au poste de directeur des opérations au Nigeria au début de l’année 1994, les décisions stratégiques clés n’étaient pas prises à Lagos ni à Port Harcourt où la filiale nigériane de Shell, Shell Petroleum Development Company, était basée, mais plutôt aux sièges de Royal Dutch/Shell à Londres et à La Haye.

Ces documents comprennent de nombreux fax, lettres et courriers électroniques échangés entre les différents bureaux, y compris le « Nigeria Updates » que Brian Anderson envoyait régulièrement à ses supérieurs pour les tenir informés de la situation. Ces mises à jour portaient sur les derniers développements des activités de Shell au Nigeria, le compte rendu détaillé des réunions importantes auxquelles Brian Anderson prenait part ainsi que le point sur la situation politique, économique et sécuritaire du pays. Ces documents prouvent que les directions de Shell basées à La Haye et à Londres étaient, en tout temps, au fait de ce qui se passait au Nigeria et des actes du personnel de Shell Nigeria. De même, ces documents montrent clairement que le personnel à La Haye et à Londres ne se contentait pas de recevoir ces informations. Des ordres ont manifestement été donnés.

Durant toute la période au cours de laquelle les évènements décrits dans ce rapport ont eu lieu, Shell Nigeria travaillait sous la supervision de Royal Ducth/Shell. L’organe à la tête de Royal Ducth/Shell était le Comité des Directeurs Généraux (CMD). La prise des décisions stratégiques et financières majeures relatives aux activités de Shell Nigeria était du ressort du CMD. Les documents montrent par exemple que Shell Nigeria a soumis son plan d’affaires annuel au CMD pour approbation et que c’est ce dernier qui a pris les décisions clés concernant l’investissement. Les documents révèlent également l’implication de la maison-mère dans la crise du pays ogoni. Par exemple, une note porte sur l’approbation par le CMD d’une stratégie détaillée élaborée par Shell Nigeria en décembre 1994 sur la façon dont l’entreprise devait répondre aux critiques au lendemain des manifestations en pays ogoni. Ce document indique également que le personnel présent au Nigeria devait mener ses actions de communication publiques en coordination avec celui basé en Europe.

CONCLUSION
Il est indéniable que le gouvernement nigérian est responsable de graves violations des droits humains commises durant sa campagne de répression des manifestations ogonis largement pacifiques menées au cours des années 1990. Ces violations des droits humains ont été perpétrées en réaction à un mouvement de protestation de la population, et nombre d’entre elles ont été commises au cours d’attaques armées menées contre des villages ogonis sans défense. La plupart des violations du droit international relatif aux droits humains mentionnées dans le présent rapport s’apparentent à des crimes, pouvant inclure des meurtres ou d’autres homicides illégaux, des cas de torture, plusieurs cas d’agression physique, de viols et de destruction de biens.

Le présent rapport examine le rôle de l’entreprise pétrolière dans les violations et crimes perpétrés par les forces de sécurité nigérianes. Il s’intéresse de façon spécifique à l’éventuelle responsabilité pénale de Shell et/ou de ses cadres. Une personne (y compris, selon certaines juridictions, une « personne morale », telle qu’une entreprise) peut être reconnue coupable d’acte criminel soit pour des actions directes, soit pour des actions indirectes (c.-à-d. soit en tant qu’auteur principal soit en tant que complice). La question de savoir si une entreprise ou ses représentants individuels doivent être poursuivis pour leur implication dans la commission d’actes criminels va dépendre de la nature du crime et du cadre juridique d’une juridiction donnée.

Une gamme de concepts juridiques peut s’appliquer : de la complicité à l’aide, en passant par l’assistance et d’autres participations à des actes criminels. Dans le dispositif du droit pénal, de nombreuses actions peuvent être initiées en vue de situer la responsabilité pénale. Par exemple, la responsabilité pénale peut être évoquée lorsqu’un individu ou une entreprise encourage, permet, accentue ou facilite la commission d’un acte criminel. La connaissance des risques que les agissements d’une entreprise pourraient contribuer à la commission d’un crime ou la non prise en compte délibérée d’un tel risque ou encore le fait d’entretenir un lien étroit avec la situation ou les acteurs impliqués peuvent également déboucher sur des allégations selon lesquelles l’entreprise a participé à des activités criminelles.

Après avoir minutieusement examiné l’ensemble des éléments disponibles, Amnistie internationale estime que Shell et certains de ses cadres devraient faire l’objet d’une enquête, en vue de poursuites judiciaires, concernant leur implication dans les crimes perpétrés en pays ogoni au cours des années 1990. Shell a à plusieurs reprises sollicité l’armée et la police nigérianes pour une intervention en vue d’en finir avec les manifestations de protestation de la population, alors même qu’elle savait qu’une telle intervention risquait de déboucher sur des pertes en vies humaines. Même lorsque ces risques se sont concrétisés et que des centaines de femmes, d’hommes et d’enfants ogonis ont été tués ou agressés, Shell a de nouveau fait appel à l’armée. Même s’il n’existe pas d’élément prouvant que Shell a expressément demandé à l’armée ou à la police de tuer ou attaquer des personnes, l’entreprise leur a demandé d’intervenir alors qu’elle savait que des exécutions extrajudiciaires et des agressions pouvaient être commises.

Shell a plusieurs fois fourni une aide logistique – en particulier du transport – à l’armée et à la police. Il est probable que sans cette aide logistique dont l’armée et la police ont bénéficié, les actes de violence qui ont suivi dans les zones où les manifestations ont eu lieu n’auraient pas été commis. Shell pourrait être pardonnée pour avoir commis cette erreur une seule fois, mais en fournissant de façon répétée cette aide logistique à l’armée, lui permettant ainsi d’avoir accès aux zones de tensions communautaires, revient à avoir permis ou faciliter les violations des droits humains et les crimes qui ont été commis. Une fois de plus, le niveau d’information de Shell sur les actions susceptibles d’être menées par les forces armées est ici fondamental.

Enfin, les relations que Shell entretenait à l’époque avec les autorités nigérianes suscitent des interrogations quant à sa complicité ou son implication dans les violations et les crimes commis. L’entreprise avait un accès significatif à des informations capitales et, à certains moments, elle était en contact quotidien avec certains membres des forces de sécurité. De la centaine de documents internes examinés, aucun n’a révélé la moindre intention de Shell d’exprimer sa préoccupation face aux violences perpétrées en pays ogoni.

Shell a toujours nié toute implication dans les violations des droits humains et les crimes perpétrés par l’État nigérian et les forces armées.

RECOMMANDATION
Le gouvernement du Nigeria et ceux des pays d’origine de Shell, les Pays-Bas et le Royaume-Uni, devraient diligenter une enquête, en vue d’engager des poursuites judiciaires, sur Shell et/ou les personnes qui occupaient alors des postes de décision ou de contrôle au sein de l’entreprise, afin de déterminer leur éventuelle implication dans des crimes liés aux violations de droits humains qui ont été commises par les forces de sécurité nigérianes en pays ogoni au cours des années 1990.

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Monde. Journée Internationale des droits de l'enfant.

11/20/2017

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Instituée par le parlement français en 1996, la Journée internationale pour les droits de l'enfant se déroulera comme chaque année le 20 novembre prochain, pour son 21ième anniversaire. Cette journée internationale permet à chacun de se souvenir et commémorer les injustices perpétrées chaque jour contre les enfants du monde, en vertu de la Convention internationale des droits de l'enfant de 1989. 
 
Qu'est-ce qu'un enfant pour le droit international ?
 
Ladite Convention Internationale des Droits de l'Enfant a permis de fixer une définition juridique claire de qui peut être considéré comme un « enfant ». Elle le définit comme « tout être humain âgé de moins de 18 ans, sauf si la majorité est atteinte plus tôt en vertu de la législation qui lui est applicable ». Il doit alors pouvoir bénéficier de mesures judiciaires spécifiques qui lui sont applicables.
 
La Convention énumère ces mesures juridiques. Cependant, malgré une certaine volonté des états à travers le temps pour la protection de l'enfance, ils sont encore nombreux à subir la violation de leurs droits autour du monde. Pour atteindre une égalité de fait, il faut encore faire l'effort à ce jour de promouvoir les conditions économiques sociales et politiques pour que ces droits soient respectés. En 2015, un enfant mourrait encore toutes les trois secondes. Sans parler des millions d’enfants privés d’éducation, de soins, de nourriture, d’eau potable…
 
Les mineurs et la peine de mort
 
« Article 6 : Les États parties reconnaissent que tout enfant a un droit inhérent à la vie »
Aujourd'hui, il y a toujours des mineurs emprisonnés dans les couloirs de la mort. L'exécution de mineurs délinquants est en recul à travers le monde. Par exemple, les États-Unis qui étaient nommés champions en la matière depuis les années 90 ont déclaré cette pratique anticonstitutionnelle en 2005. Cependant, il y a toujours aujourd'hui des mineurs emprisonnés dans les couloirs de la mort, notamment en Arabie saoudite, au Bangladesh, en Indonésie, en Iran, aux Maldives, au Nigeria, au Pakistan et en Papouasie-Nouvelle-Guinée. Depuis 1990, 9 pays ont exécuté des personnes mineures lors de leur arrestation. Depuis 2016, au moins 1 pays a continué à exécuter des mineurs, l'Iran. Entre 2005 et 2014, ce dernier avait exécuté 72 enfants. Les exécutions se poursuivent en 2017.
 
Amnistie internationale s'oppose à la peine de mort en toute circonstance et considère que c'est un châtiment simpliste à des problèmes complexes, cruel et inhumain. Les états du monde qui continuent d'exécuter des mineurs doivent avoir à l'esprit que condamner un enfant à mort est une violation de ses droits fondamentaux, en vertu du droit international. Il s'agit de nier les conditions de développement psychologiques particulières d'un enfant, en vertu desquelles il devrait pouvoir jouir d'un traitement juridique particulier.
 
La Journée internationale des droits de l'enfant nous permet de rappeler que la peine de mort est toujours applicable dans certains endroits du monde aux mineurs, ce qui rajoute un facteur éminent à la longue liste des menaces de maltraitance dont sont victimes les enfants dans le monde jusqu'à ce jour. Elle nous permet de rappeler qu'il est de notre devoir, pour que la justice soit appliquée aux plus vulnérables d'entre nous, de lutter pour abolir cette pratique dégradante, cruelle et inhumaine.

Agissez pour les mineurs condamnés à mort en Arabie Saoudite :
http://www.amnistiepdm.org/arabie-saoudite-ali-al-nimr.html
http://www.amnistiepdm.org/arabie-saoudite-deux-jeunes.html

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Suivi d'Action urgente - États-Unis (Ohio). Une exécution interrompue après avoir commencé, Alva Campbell.

11/16/2017

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L’exécution d’Alva Campbell a été interrompue après avoir commencé le 15 novembre, l’équipe chargée d’y procéder n’ayant pas trouvé de veine utilisable pour l’injection létale. Le gouverneur a fixé une nouvelle date d’exécution, le 5 juin 2019. Alva Campbell aura alors 71 ans.

Alva Campbell
a été reconnu coupable en 1998 du meurtre de Charles Dials, commis en 1997. En octobre 2017, le comité des grâces de l’Ohio a voté par 11 voix à une contre l’octroi d’une mesure de clémence, et le 9 novembre, le gouverneur de cet État, John Kasich, a refusé d’accorder sa grâce. Le 14 novembre, la Cour suprême fédérale a refusé de suspendre l’exécution, prévue le 15 novembre à 10 heures. Le début de l’exécution a été retardé d’environ une heure. Après qu’Alva Campbell a été conduit dans la chambre d’exécution, l’équipe chargée de lui ôter la vie a tenté à plusieurs reprises pendant 30 minutes de poser une intraveineuse successivement dans ses deux bras, puis dans sa jambe droite. Le directeur de l’administration pénitentiaire a ordonné l’interruption de l’exécution, et le gouverneur Kasich a prononcé un sursis temporaire. Il a ensuite fixé une nouvelle date d’exécution, le 5 juin 2019. Il ne sera alors plus gouverneur, son mandat prenant fin en janvier 2019. L’un des avocats d’Alva Campbell a demandé comment les autorités pourraient mieux réussir à exécuter son client en juin 2019 qu’aujourd’hui : «Il a 69 ans et toutes sortes de maladies, et ses veines sont dans un état lamentable. Celui-ci ne va certainement pas s’améliorer.»
​
Les avocats d’Alva Campbell avaient fourni aux tribunaux et au comité des grâces des informations montrant que l’état de santé de ce prisonnier s’était «progressivement et extrêmement détérioré, avec de multiples affections graves et potentiellement mortelles apparaissant presque tous les ans» depuis 2003. Ils avaient indiqué que sa très mauvaise santé lui faisait courir le risque d’une «réaction paradoxale» à toute substance utilisée pour les injections létales, «ce qui rendrait toute tentative des autorités pour l’exécuter contraire à la Constitution». Ils avaient également précisé que ses veines n’étaient pas utilisables. Lorsque la cour d’appel fédérale a rejeté leur recours le 25 octobre, l’une de ses trois juges a rendu un avis divergent, en déclarant : «Il existe des situations où l’exécution d’une personne dont la santé mentale s’est détériorée constituerait une opération de vengeance inconsidérée, et des situations où l’exécution d’une personne dont la santé physique s’est détériorée constituerait une opération de vengeance inconsidérée.» Les avocats ont déposé une requête devant la Cour suprême des États-Unis en vue d’obtenir un sursis, qui a été rejetée le 14 novembre sans commentaire ni avis divergent.

Vingt-trois prisonniers ont déjà été exécutés cette année aux États-Unis, dont deux dans l’Ohio. Cet État totalise 55 des 1 465 exécutions réalisées dans le pays depuis 1976. L’Ohio compte actuellement 27 prisonniers dont l’exécution est programmée avant septembre 2022, parmi lesquels Alva Campbell. C’est aussi le cas de Romell Broom, que les autorités ont tenté d’exécuter en 2009 mais dont l’exécution a aussi été abandonnée après que l’équipe chargée d’y procéder a échoué à trouver une veine utilisable pour l’injection létale. En 2016, la cour suprême de l’Ohio a statué par quatre voix à trois que tenter à nouveau de l’exécuter ne serait pas contraire à la Constitution. L’un des juges minoritaires a écrit : «Je me demande quand la notion de dignité humaine évoluera suffisamment pour que l’État de l’Ohio renonce totalement à la peine de mort, comme aux formes de torture plus évidentes qui ont déjà été abandonnées.»

Aucune action complémentaire n’est requise de la part des membres. Un grand merci à toutes les personnes qui ont envoyé des appels.
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Action urgente - États-Unis (Nevada). Une exécution repoussée mais toujours envisagée dans le Nevada.

11/13/2017

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Une juge a suspendu la première exécution prévue dans le Nevada depuis plus de 11 ans, qui devait avoir lieu le 14 novembre,  en raison de préoccupations concernant le protocole d’injection létale. Les autorités avaient demandé ce sursis afin de pouvoir pouvoir faire appel de son ordre de retirer l’une des substances utilisées dans ce protocole.

Le Nevada devait procéder à sa première exécution depuis le 26 avril 2006 dans la soirée du 14 novembre. Comme dans le cas de 11 exécutions sur les 12 réalisées dans cet État depuis que la Cour suprême fédérale a approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale en 1976, le prisonnier qui devait être exécuté a abandonné ses voies de recours. En août 2017, un mois après qu’une juge a signé l’ordre d’exécution, l’administration pénitentiaire du Nevada a annoncé qu’elle utiliserait une association de diazépam (un sédatif), de fentanyl (un analgésique opioïde) et de cisatracurium (un myorelaxant) pour l’injection létale. Aucune de ces trois substances n’a encore été utilisée lors d’une exécution aux États-Unis.
​
Le 9 novembre, la juge qui avait signé l’ordre d’exécution a accédé à une requête de l’administration pénitentiaire du Nevada en vue de faire suspendre l’exécution. Auparavant, elle avait déclaré que, bien qu’elle soit « réticente à arrêter le processus », elle ordonnait à l’administration pénitentiaire de retirer le cisatracurium du protocole d’exécution après avoir examiné des données médicales indiquant que cette substance risquait de provoquer une détresse respiratoire chez le prisonnier et sa mort par asphyxie, tout en masquant les signes montrant qu’il était conscient et qu’il souffrait. Elle a ajouté que l’exécution pourrait avoir lieu en utilisant seulement les deux autres substances, mais les autorités ont demandé un sursis pour pouvoir faire appel de sa décision. En annonçant le sursis prononcé, l’administration pénitentiaire a précisé qu’elle « maint[enait] l’intégrité du protocole », en soulignant que l’association des trois substances avait été mise au point en concertation avec son médecin-chef (qui a depuis démissionné). L’administration pénitentiaire a fait savoir qu’elle s’attendait à ce qu’un recours « accéléré » soit déposé devant la cour suprême du Nevada. La juge a confirmé le 9 novembre qu’il incombait à cette juridiction de déterminer si l’utilisation du cisatracurium était acceptable.

Vingt-deux pays ont aboli la peine de mort pour tous les crimes ou au moins ceux de droit commun depuis la dernière exécution dans le Nevada. À l’heure actuelle, 142 pays sont abolitionnistes en droit ou en pratique. Depuis la dernière exécution du Nevada, six États américains ont aboli la peine de mort et les gouverneurs de trois autres États ont imposé un moratoire sur les exécutions. Le Nevada doit instaurer immédiatement un moratoire sur les exécutions, à titre de première étape vers l’adoption d’une législation en faveur de l’abolition. Cette démarche irait dans le sens des principes internationaux relatifs aux droits humains et des résolutions successives adoptées au cours des 10 dernières années par l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire sur les exécutions, dans l’attente de l’abolition de la peine de mort.

DANS LES APPELS QUE VOUS FEREZ PARVENIR LE PLUS VITE POSSIBLE AUX DESTINATAIRES MENTIONNÉS CI-APRÈS, en anglais ou dans votre propre langue :
- dites que vous vous opposez à la peine de mort en toutes circonstances, appelez à un moratoire sur les exécutions dans le Nevada et demandez que le gouvernement de cet État travaille avec le corps législatif à l’abolition de la peine capitale ;
- faites remarquer que, depuis la dernière exécution réalisée dans le Nevada, six États américains ont aboli la peine de mort, plusieurs autres ont imposé un moratoire sur les exécutions, 22 pays ont aboli ce châtiment pour tous les crimes ou au moins ceux de droit commun, et 142 pays sont aujourd’hui abolitionnistes en droit ou en pratique ;
- mettez en avant les résolutions successives de l’Assemblée générale des Nations unies demandant un moratoire sur les exécutions en vue de l’abolition de la peine capitale.

ENVOYEZ VOS APPELS AVANT LE 25 DÉCEMBRE 2017 À :

Gouverneur du Nevada

Governor Brian Sandoval
State Capitol Building
101 N. Carson Street
Carson City, NV
9701, États-Unis
Courriel : http://gov.nv.gov/Contact/Email-the-Governor/
Télécopieur : +1 775 684 5683
Formule d’appel : Dear Governor, / Monsieur le Gouverneur,
 (coordonnées aux États-Unis nécessaires)
(Il est important de noter que le formulaire de contact de la gouverneure requiert une adresse et un numéro de téléphone aux États-Unis pour pouvoir soumettre une demande. Nous vous invitons à utiliser le formulaire de contact sur son site, et si vous résidez en dehors des États-Unis, à renseigner les coordonnées d'Amnistie internationale États-Unis à New York : 
5 Pennsylvania Plaza
New York
NY 10001 
​
Procureur général du Nevada
Attorney General Adam Paul Laxalt
Office of the Attorney General
100 North Carson Street
Carson City, NV
89701, États-Unis
Télécopieur : +1 775 684 1108
Courriel : 
Formule d’appel : Dear Attorney General, / Monsieur le Procureur général,

Comité des grâces et des libérations conditionnelles du Nevada
Nevada Board of Pardons Commissioners
1677 Old Hot Springs Road, Suite A, Carson City, NV 89706, États-Unis
Courriel : 
Formule d’appel : Dear Commissioners / Mesdames, Messieurs

Veuillez également adresser des copies aux représentants diplomatiques des États-Unis dans votre pays.

Ambassadrice des États-Unis 
Ambassadrice Kelly Knight Craft
Ambassade des États-Unis
490, chemin Sussex 
Ottawa, Ontario
K1N 1G8, Canada
Télécopieur : 613-688-3082

Vérifiez auprès de votre section s’il faut encore intervenir après la date indiquée ci-dessus. Merci. Ceci est la première mise à jour de l’AU 250/17. Pour plus d’informations : www.amnesty.org/fr/documents/amr51/7400/2017/fr/.
​
​

COMPLÉMENT D’INFORMATION

Depuis la dernière exécution réalisée dans le Nevada, les préoccupations relatives aux coûts, aux risques, aux incohérences et
aux inégalités concernant l’application de la peine de mort aux États-Unis se sont accentuées. En 2008, le juge qui était alors le
doyen de la Cour suprême des États-Unis a déclaré : « Le temps d’une comparaison objective et impartiale entre les énormes
coûts que les procédures judiciaires liées à la peine de mort font porter à la société et les bénéfices qu’elles apportent est
sûrement venu. » Selon lui, les 30 années qu’il avait passées au sein de cette juridiction l’avaient convaincu qu’« appliquer la
peine capitale, c’est supprimer une vie inutilement ». En 2015, deux autres membres de la Cour suprême ont déclaré qu’il était
temps que celle-ci examine la constitutionnalité de la peine de mort au vu des éléments montrant les erreurs et le caractère
arbitraire de son application ainsi que le déclin de son utilisation aux États-Unis et ailleurs.
​
Dans un monde de plus en plus abolitionniste, le Nevada et d’autres États américains rencontrent des difficultés pour se
procurer les substances servant à leurs protocoles d’exécution par injection létale. En septembre 2016, le Nevada a lancé un
« appel d’offres concernant des produits pharmaceutiques utilisés pour les injections létales » dans l’espoir de trouver de
l’hydromorphone et du midazolam pour son protocole d’exécution consistant à injecter ces deux substances aux condamnés.
Cependant, il n’a reçu aucune offre en réponse. Le 17 août 2017, l’administration pénitentiaire du Nevada a annoncé qu’elle
utiliserait une association de diazépam (un sédatif), de fentanyl (un analgésique opioïde) et de cisatracurium (un myorelaxant)
pour la prochaine exécution, qui a ensuite été fixée au 14 novembre. Aucune de ces trois substances n’ayant encore été utilisée
lors d’une exécution aux États-Unis, on peut dire que le Nevada se livre à ce que quatre juges de la Cour suprême fédérale ont
décrit en 2015 comme une « expérimentation humaine de facto » dans le cadre des tentatives des États appliquant la peine de
mort visant à pallier leurs difficultés pour se procurer les produits qui servent lors des injections létales. Cette association de
trois substances a été choisie par le directeur de l’administration pénitentiaire, après consultation du médecin-chef de celle-ci.
Le 30 octobre 2017, le médecin-chef a démissionné sans préavis après à peine plus d’un an à ce poste. Il a affirmé que sa
démission n’était pas liée à la question de l’exécution.

Vingt-deux personnes ont été condamnées à mort dans le Nevada entre 2002 et 2016. Entre 1986 et 2000, le nombre de
condamnations à mort prononcées dans cet État était exactement quatre fois plus élevé – 88. Cette évolution reflète une
tendance générale à la diminution du recours à la peine de mort aux États-Unis depuis une dizaine d’années environ, dont
toutes les autorités devraient se saisir pour que l’ensemble du pays prenne ses distances avec ce châtiment.

La peine de mort est le châtiment le plus cruel, inhumain et dégradant qui soit. Il n’a jamais été prouvé qu’elle ait un effet plus
dissuasif que les autres peines. Elle tend à être appliquée de manière discriminatoire, en fonction des origines ethniques et
sociales. Elle empêche toute possibilité de réinsertion. Elle peut prolonger la souffrance de la famille de la victime et l’étendre
aux proches du condamné. Elle accapare des ressources qui pourraient être utilisées plus efficacement pour lutter contre les
crimes violents et aider les personnes qui sont touchées par ces crimes.

Pour en savoir plus sur la peine de mort dans le Nevada et le phénomène des prisonniers qui abandonnent leurs voies de
recours contre leur condamnation à mort, voir le document intitulé USA: Intent to kill, intent to die
(https://www.amnesty.org/en/documents/amr51/7392/2017/en/). Le Guatemala a aboli la peine de mort pour les crimes de droit commun depuis la publication de ce document, portant à 22 le nombre de pays ayant aboli ce châtiment pour tous les crimes ou au moins ceux de droit commun depuis la dernière exécution réalisée dans le Nevada. Plus d’informations à ce sujet figurent dans les documents suivants : Abolitionist and Retentionist Countries as of 8 November 2017
(https://www.amnesty.org/en/documents/act50/6665/2017/en/), et Guatemala: court decision ruling death penalty
unconstitutional for most crimes is a key step on path to full abolition
(https://www.amnesty.org/en/documents/act50/7412/2017/en/).

Amnistie internationale est opposée à la peine de mort en toutes circonstances. Depuis que la Cour suprême fédérale a
approuvé les nouvelles lois relatives à la peine capitale en 1976, 1 465 personnes ont été exécutées aux États-Unis, dont
23 jusqu’à présent cette année.
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Monde. Réflexions d'Abolitionnistes.

11/10/2017

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Le 11 décembre 1977, Amnistie internationale et les participants à la Conférence internationale sur l'abolition de la peine de mort ont adopté la Déclaration de Stockholm – le premier manifeste international abolitionniste − qui appelle tous les gouvernements à abolir immédiatement et totalement la peine de mort.

À l'époque, seuls 16 pays avaient aboli la peine capitale. Quarante ans plus tard, ils sont 105 à l'avoir fait. N'attendons pas encore 40 ans pour que ce châtiment disparaisse complètement de la surface du globe.


MOUVEMENT POUR L’ABOLITION EN PLEINE EXPANSION

Amnistie internationale a été la première organisation de défense des droits humains à inclure l’abolition de la peine de mort dans son mandat dans les années 70 – nous en éprouvons beaucoup de fierté et du respect pour ces visionnaires qui ont franchi ce pas. À l’époque, des groupes abolitionnistes s’étaient déjà formés dans certains pays et on entendait déjà, dans plusieurs régions du monde, des représentants religieux ou de la société civile s’opposer au recours à cette peine. Plusieurs gouvernements et des organisations intergouvernementales avaient commencé à faire part de leurs préoccupations face au recours à la peine capitale.

Il a toutefois fallu attendre la Conférence internationale sur l'abolition de la peine de mort, organisée par Amnistie internationale à Stockholm en 1977, pour que ces initiatives distinctes se relient les unes aux autres et qu’un nouveau mouvement mondial commence à s’organiser. La conférence, à laquelle plus de 200 délégué-e-s venant de 50 pays participaient, a affirmé sans ambiguïté son opposition inconditionnelle à la peine de mort au titre des droits humains et de leur universalité, ajoutant ainsi une nouvelle dimension importante au discours public sur ce sujet souvent controversé.

Depuis lors, le mouvement abolitionniste s’est amplifié en nombre et s’est élargi. En mai 2002, plusieurs organisations, dont Amnistie internationale, ont créé la Coalition mondiale contre la peine de mort afin de coordonner au niveau mondial les stratégies et le travail effectué et d’aider ses membres, qui sont plus de 150 aujourd’hui, dans toutes les régions du monde. Beaucoup d’autres acteurs et actrices se sont joint-e-s au travail abolitionniste – ordres des avocats, universitaires ou criminologues, syndicalistes, artistes, maires de villes du monde entier et député-e-s, parmi tant d’autres. Dynamisé par les positions de plus en plus affirmées en faveur de l’abolition qu’ont prises les Nations unies et d’autres organisations régionales, le mouvement abolitionniste s’est beaucoup développé et a parfois servi d’exemple pour renforcer le travail de défense des droits humains dans d’autres domaines.

Avec le temps, nos stratégies ont évolué. Alors qu’auparavant nous nous reposions principalement sur des manifestations silencieuses contre les exécutions, aujourd’hui nous nouons aussi un dialogue à long terme avec les décideurs et décideuses. Nous avons appris qu’il ne faut jamais cesser de dénoncer la réalité de la peine de mort, même lorsque celle-ci a été abolie, en raison du risque omniprésent que des hommes ou femmes politiques la ressortent comme un remède soi-disant miracle à la criminalité. Nous avons entamé de nouveaux dialogues avec des défenseur-e-s inattendu-e-s de l’abolition et nous avons réalisé que le messager est parfois aussi important que le message lui-même.

Si nous n’avons jamais fait de compromis sur notre volonté d’éliminer une fois pour toutes la peine de mort, nous avons également parfois cheminé pas à pas vers l’abolition, sans jamais perdre de vue notre but ultime. Les défis sont multiples mais nous avons appris que nous puisons notre force dans le travail et les points de vue des un-e-s et des autres, nous donnant la conviction que nos efforts peuvent aboutir.

GROS PLAN – RÉFLEXIONS DE MILITANT-E-S CONTRE LA PEINE DE MORT

Hsin-Yi Lin est directrice générale de l’Alliance taïwanaise pour l’abolition de la peine de mort (TAEDP). Depuis sa création en 2003, TAEDP a travaillé avec Amnistie internationale sur plusieurs cas individuels. TAEDP a rejoint le Réseau asiatique contre la peine de mort (ADPAN) en 2006 et la Coalition mondiale contre la peine de mort (WCADP) en 2007. C’est à l’occasion du Congrès mondial contre la peine de mort en 2004 que Hsin-Yi a été en contact pour la première fois avec le mouvement mondial contre la peine de mort.

Qu’est-ce qui vous a d’abord poussé à rejoindre le mouvement abolitionniste ?
La coopération internationale. Nous avons réalisé que notre travail profitait énormément des interactions et des échanges avec des partenaires internationaux. Les premières années, le fait d’appartenir à la WCADP ou à l’ADPAN nous a grandement aidés, en particulier dans nos discussions autour de la croissance et des stratégies. Avec le temps, nous nous sommes rendu-e-s compte que nos points de vue pouvaient aussi aider les autres.

À la lumière de votre propre expérience, comment nous portons-nous aujourd’hui, en tant que mouvement ?
Chaque pays a ses propres problèmes et les militants et militantes sur le terrain ont un rôle essentiel pour s’y attaquer. Dans les pays non abolitionnistes, ces personnes travaillent d’arrache-pied. Nos points de vue devraient être respectés, notamment en raison de notre implication personnelle. C’est nous qui nous retrouvons dans des situations difficiles et qui sommes confronté-e-s aux menaces les plus graves. Mais nous ne travaillons pas seul-e-s. Nous sommes relié-e-s par les stratégies du mouvement et les possibilités de coopération. Ce sont la coopération et la solidarité internationales qui nous rendent plus forts et fortes.

Si vous pouviez changer trois choses sur lesquelles vous travaillez, de quoi s'agirait-il ?
J’introduirais l’abolition de la peine de mort à Taiwan. En attendant, il faut au moins que le traitement des prisonniers et prisonnières s’améliore et atteigne un niveau raisonnable. Ces personnes sont enfermées en prison dans de petites cellules pendant de longues périodes, sans la possibilité de travailler. C’est d’une extrême cruauté. Elles devraient avoir des espaces plus grands et avoir des moyens de s’épanouir, ou de se former, plutôt que de consacrer tout leur temps simplement à attendre leur exécution.
Deuxièmement, j’aimerais que les familles et les enfants des condamnée-s à mort puissent recevoir des soins. Tout comme les membres des familles des victimes, ces personnes subissent un préjudice et sont discriminées en raison de crimes qu’elles n’ont pas commis. 
Enfin, la remise en liberté de Cheng Hsing-tsé et l’ordre qu’il soit rejugé sont un dénouement heureux, faisant suite à la décision de la Cour suprême qu’il avait été condamné à tort le 26 octobre. J’espère aussi que dans d’autres cas sur lesquels nous travaillons, par exemple Chiou, Hoshun et Hsieh Chih-hong, un nouveau procès sera ordonné.

Et pour votre pays et votre région ? Quelle est la prochaine étape ?
Le ministère de la Justice de Taiwan a déclaré qu’il va relancer le Groupe de travail sur la recherche et la promotion d’une abolition progressive qu’il avait précédemment créé. Nous considérons encore que c’est une opportunité pour que Taiwan prenne des mesures pour abolir la peine de mort.
Par ailleurs, la TAEDP démarre une nouvelle campagne. L’année prochaine, nous souhaitons organiser des réunions de consultation avec les militants et militantes qui travaillent sur le terrain dans l’ensemble du territoire, ainsi que des séances spécifiques pour les expert-e-s ou les parties intéressées influentes, afin de discuter des alternatives à la peine de mort.
L’idée est que souvent, les hommes et les femmes politiques prennent pour excuse le peu de soutien de la population en faveur de l’abolition de la peine de mort pour ne rien faire. Si la population connaissait et comprenait les alternatives possibles, elle n’exigerait pas nécessairement qu’il y ait la peine de mort. Nous voulons montrer aux hommes et aux femmes politiques qu’ils et elles peuvent faire beaucoup plus.

Un mot pour les militants et militantes d'Amnistie internationale ?
Merci et continuez à faire du bon travail ! Vos efforts ont débouché sur des résultats positifs. Les cas où des personnes
ont été innocentées, par exemple Hsichih Trio et Hsu Tzuchiang, ont abouti grâce à votre aide.


Aurélie Plaçais a rejoint la Coalition mondiale contre la peine de mort en 2008 et en est devenue directrice en 2016. En presque
10 années de travail pour la Coalition mondiale, elle a vu beaucoup de pays devenir abolitionnistes et a mené campagne
pour que les États abolitionnistes ratifient les traités internationaux sur l’abolition.


Qu’est-ce qui vous a d’abord poussé à rejoindre le mouvement abolitionniste ?
Je suis née deux ans après l’abolition en droit de la peine de mort en France. Je me rappelle très bien d’un cours que j’ai eu à l’école en 1991, pour célébrer les 10 ans de l’abolition, je n’arrivais pas à croire qu’il y avait à peine plus de 10 ans, la France coupait des têtes à la guillotine. Au fil des années, j’ai transformé ce sentiment instinctif en connaissances et en expériences. Mais même aujourd’hui, plus j’apprends sur la peine de mort, à quel point elle est arbitraire et injuste, plus je suis indignée.

À la lumière de votre propre expérience, comment nous portons-nous aujourd’hui, en tant que mouvement ?
Quand j’ai commencé à travailler pour la Coalition mondiale, il y avait environ 50 organisations membres, la plupart en Europe et aux États-Unis. La coalition est maintenant une instance forte, qui compte plus de 150 membres actifs dans le monde entier.
Je pense que cette diversité est l’une de nos forces. La diversité géographique, de Trinité-et-Tobago à la Tanzanie et au Tadjikistan, mais aussi la diversité de notre expertise et de la taille des membres. La coalition mondiale se compose d’ONG internationales de défense des droits humains comme Amnistie International, mais aussi d’organisations locales de militants et militantes, de coalitions nationales, d’ordres des avocats et de juristes, de centres universitaires de recherche et de professeure-s, de syndicats et de gouvernements locaux. Cette diversité pose parfois des problèmes mais je suis convaincue que c’est en unissant nos forces que nous ferons de l’abolition de la peine de mort dans le monde entier une réalité.

Si vous pouviez changer trois choses sur lesquelles vous travaillez, de quoi s'agirait-il ?
C'est une question difficile. Nous avons besoin d’une volonté politique plus affirmée pour amener les pays qui ont encore la peine de mort vers son abolition. Le mouvement abolitionniste mondial nécessite plus de financements, à tous les niveaux mais surtout dans les pays où la peine de mort existe encore. Et nous devons mieux travailler ensemble – nous sommes un mouvement diversifié et chacun et chacune d’entre nous apporte une expertise et des compétences différentes. Ensemble, nous sommes plus forts.

Quelle est la prochaine étape ?
Je crois que nous devrions concentrer nos efforts sur la région des Caraïbes. Il y a là-bas un paradoxe : alors que de moins en moins de personnes sont condamnées à mort et qu’il n’y a pas eu d’exécutions depuis presque 10 ans, beaucoup de pays non abolitionnistes de la région s’expriment de manière très véhémente au niveau international en faveur de la peine de mort. Les voix des pays anglophones des Caraïbes contre les résolutions de l’Assemblée générale des Nations unies appelant à un moratoire sur la peine de mort représentent plus du quart de tous les votes contre l’appel à un moratoire. La plupart des États non abolitionnistes ont aussi rejeté les recommandations d’organes internationaux visant à réduire le recours à la peine de mort ou à l’abolir.

Un mot pour les militants et militantes d'Amnistie internationale ?
Nous faisons une différence, cela marche et nous le constatons chaque jour. Mais la route vers l’abolition universelle n’est pas droite et elle dépend encore des hommes et des femmes qui, chaque jour, agissent pour éradiquer la peine de mort de notre monde. Continuez à écrire, à parler et à manifester pour mettre fin à ce traitement inhumain et, ensemble, nous pouvons réussir.
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AU-DELÀ DE LA SOCIÉTÉ CIVILE : LES PROFESSIONNELS DE LA SANTÉ CONTRE LA PEINE DE MORT 
Les militant-e-s ne sont pas les seul-e-s à avoir mené la lutte mondiale pour mettre fin à la peine de mort. Les réseaux professionnels ont également eu un rôle essentiel dans l’opposition croissante aux exécutions et ont montré que tout le monde a un rôle à jouer pour mener campagne contre le recours à cette peine.

Cela fait plusieurs dizaines d’années que le réseau d’Amnesty International des professionnel-le-s de la santé en faveur des droits humains conduit des activités de campagne contre la peine de mort. Ce travail porte en particulier sur la participation de médecins et d’infirmier-ère-s à l’examen des prisonnier-ère-s avant, pendant et après les exécutions. En tant que membres des professions médicales s’adressant à des collègues dans d’autres pays, ils/elles ont pu exprimer de manière effective leur inquiétude face à l’utilisation de l’expertise et des équipements médicaux à des fins contraires à la raison d’être de la médecine, sauver des vies et soigner des malades, et contester la participation de professionnel-le-s de la santé aux exécutions organisées par des États.

Leur travail a contribué à l’adoption, par de nombreuses instances médicales, de déclarations affirmant que la participation de médecins, de psychiatres et d’infirmier-ère-s au processus des exécutions était contraire à l’éthique et les exhortant à s’opposer fermement à la participation des professionnel-le-s de la santé. Notons par exemple les déclarations de l’Association médicale mondiale, qui a adopté une telle position pour la première fois en 1981. Plus récemment, elle a soutenu les appels des Nations unies en faveur d’un moratoire sur les exécutions.

es professionnels de la santé ont aussi mené campagne pour que les États adoptent des dispositions réglementaires visant à interdire que des substances chimiques produites dans un but médical légitime soient utilisées dans les procédures d’injections létales et pour que les entreprises pharmaceutiques ne se rendent pas complices de la délivrance de la peine de mort. Les professionnel-le-s de la santé se sont joints au combat mondial contre le recours à la peine capitale pour les personnes présentant une déficience intellectuelle ou un handicap mental et en faveur de la réalisation automatique d’une évaluation de l’état de santé des personnes condamnées à mort. Ils/elles ont travaillé avec les militant-e-s et les avocat-e-s en proposant leur expertise médicale en appui au travail mené sur des cas individuels ; ils/elles nous ont aussi aidés à comprendre toute la complexité de ces aspects de la peine la plus cruelle, inhumaine et dégradante qui soit.
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Suivi d'Action urgente - États-Unis (Floride). La Floride procède à sa troisième exécution de l'année 2017, Patrick Hannon.

11/9/2017

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Patrick Hannon a été exécuté en Floride le 8 novembre. Il avait été déclaré coupable en juillet 1991 de deux meurtres commis six mois plus tôt. La Cour suprême des États-Unis a examiné d’ultimes recours mais a finalement refusé d’intervenir.

L’exécution de Patrick Hannon, prévue le 8 novembre à 18 heures, a été retardée afin de laisser à la Cour suprême fédérale le temps d’examiner d’ultimes recours. La Cour a refusé d'intervenir, l'exécution a eu lieu et Patrick Hannon a été déclaré mort à 20 h 50. Il avait été déclaré coupable, en juillet 1991, du meurtre de Brandon Snider et Robert Carter, commis à Tampa six mois plus tôt.

Le 12 janvier 2016, dans l’affaire Hurst c. Floride, la Cour suprême fédérale a statué que les modalités relatives à la peine capitale en Floride étaient inconstitutionnelles, car elles n’accordaient au jury qu’un rôle consultatif à l’étape de la détermination de la peine. Selon la Cour, cela était incompatible avec l’arrêt qu’elle avait rendu en 2002 dans l’affaire Ring c. Arizona. Elle avait alors estimé que, en vertu de la Constitution des États-Unis, il incombait au jury, et non au juge, de tirer les conclusions justifiant une éventuelle condamnation à mort. En décembre 2016, la cour suprême de Floride a statué que l’arrêt Hurst ne s’appliquait de manière rétroactive qu’à un peu plus de la moitié des quelque 400 prisonniers alors sous le coup d’une condamnation à mort, qui auraient droit à une nouvelle audience consacrée à la détermination de la peine si l’État ne parvenait pas à prouver que l’« erreur Hurst » était « sans conséquence ». Le juge James Perry a émis une opinion dissidente, estimant que la majorité avait décidé de « tracer arbitrairement une ligne entre le 23 juin et le 24 juin 2002 – la veille et le jour de l’arrêt Ring », mais « n’explique pas de façon convaincante pourquoi 173 personnes condamnées à mort doivent être traitées différemment de celles dont la condamnation a été prononcée définitivement après l’arrêt Ring ». D’après lui, « l’application de l’arrêt Hurst c. Floride par la majorité soumet les garanties constitutionnelles à une sorte de loterie ». Sa consoeur Barbara Pariente a également conclu que l’arrêt Hurst devait s’appliquer rétroactivement à toutes les condamnations à mort.

Le 1er novembre, la Cour suprême de Floride a débouté Patrick Hannon de son dernier appel. La juge Barbara Pariente a émis une opinion dissidente, faisant valoir que l’arrêt Hurst devait s'appliquer à la peine de Patrick Hannon et ajoutant : « parce que le jury de Hannon n'a jamais pris connaissance d’éléments importants qui auraient pu être présentés à titre de circonstances atténuantes si son avocat avait mené une enquête raisonnable, je ne me fierais pas à la recommandation unanime du jury en faveur de la peine de mort pour conclure que l'erreur Hurst est sans conséquence ». Barbara Pariente est l'un des deux juges qui avaient soutenu, en 2006, que la condamnation à mort de Patrick Hannon devait être annulée parce que son avocat n’avait pas enquêté pour présenter des éléments de preuve convaincants à titre de circonstances atténuantes. Dans l’opinion dissidente qu’elle a à nouveau émise cette fois-ci, elle a fait valoir non seulement que le jury « n’avait pas eu accès à une abondance d’éléments prouvant l’existence de circonstances atténuantes », mais aussi que le coaccusé de Patrick Hannon, « qui avait une motivation personnelle pour commettre le crime et avait été le premier à attaquer la victime prise pour cible, [avait] été condamné à la réclusion à perpétuité, ce dont la présente Cour n'avait pas connaissance quand elle a confirmé les peines de Hannon sur recours direct » (en 1994).

Le 8 novembre, la cour fédérale d'appel du 11e circuit a refusé de prononcer un sursis. L'un des trois juges s’est dit préoccupé par la situation juridique en Floride depuis l’arrêt Hurst : « Personne ne conteste que [Patrick Hannon] a été condamné à mort via une procédure dont nous reconnaissons aujourd’hui l’inconstitutionnalité. De même, personne ne conteste que d'autres personnes qui ont été condamnées à mort en vertu de ces mêmes procédures inconstitutionnelles peuvent prétendre à une nouvelle audience de détermination de la peine en application de la nouvelle législation de la Floride. L'analyse de la rétroactivité réalisée par la cour suprême de Floride laisse donc la différence entre la vie et la mort reposer sur des accidents de date fatals ou fortuits [...] L'exécution imminente [de Patrick Hannon] est une illustration frappante des problèmes que pose la règle de la rétroactivité en Floride [...]

Selon moi, l’irrévocabilité doit le céder à l'équité, en particulier quand l'État s’apprête à ôter la vie à cet homme sur la base d'une condamnation à mort qui a été imposée inconstitutionnellement. »

Depuis le début de l’année 2017, 23 personnes ont été exécutées aux États-Unis, dont trois en Floride. Cet État est responsable de 95 des 1 465 exécutions qui ont eu lieu dans le pays depuis que la Cour suprême fédérale a approuvé une nouvelle législation relative à la peine capitale, en 1976.

Aucune action complémentaire n’est requise. Un grand merci à tous ceux qui ont envoyé des appels.
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États-Unis. Des injustices capitales : Le dommage aux principes de droit se poursuit, davantage de grabuge à Guantanamo, et d'autres exécutions.

11/9/2017

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Pendant un instant, on avait l'impression que le suspect arrêté à New York après l'attaque récente risquait d'être transféré à Guantanamo après que le Président Trump a déclaré considérer l'option. Les appels du Président à recourir à la peine capitale allaient à l'encontre de la présomption d'innocence, et faisaient suite à la 23ième exécution de l'année aux États-Unis, celle-ci violant le droit international. 

Pendant ce temps au "Camp Justice" à Guantanamo, un juge d'une commission militaire condamnait - non pas un détenu, mais bien l'avocat de la défense en chef.

Consulter la déclaration ( Lire ) *en anglais*

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Mauritanie. Annulation de la condamnation à mort d'un blogueur.

11/9/2017

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En réaction à la décision de la cour d’appel de libérer le blogueur condamné à mort en Mauritanie pour avoir publié un billet « blasphématoire » sur Facebook, Alioune Tine, directeur du programme Afrique de l’Ouest et Afrique centrale à Amnistie internationale, a déclaré ce jeudi 9 novembre :

« La libération de Mohamed Mkhaïtir, emprisonné pendant près de quatre ans pour le simple fait d’avoir exprimé pacifiquement son opinion sur Facebook, est un profond soulagement. C’est une immense victoire pour sa famille et lui, ainsi que pour toutes les personnes qui ont fait campagne en sa faveur depuis 2014.

« Maintenant que Mohamed Mkhaitir est libre, les autorités mauritaniennes doivent veiller à ce qu’il ne soit pas soumis à une quelconque menace physique afin qu’il puisse recouvrer sa dignité.

« Ce jugement leur offre une occasion idéale d’opérer un virage sur cette question délicate et de mettre fin à la répression brutale dont sont victimes les défenseurs des droits humains. Il faut qu’elles libèrent Moussa Biram et Abdallahi Matallah, deux militants antiesclavagistes actuellement détenus dans une prison isolée, où ils ont passé près de 500 jours. »

Complément d’information

Mohamed Mkhaïtir, condamné à mort en décembre 2014 pour une publication « blasphématoire » sur Facebook, a comparu pour la deuxième fois devant la cour d’appel de Nouadhibou, dans le nord-ouest de la Mauritanie, le 8 novembre et le jugement a été rendu le 9. La cour a annulé la peine de mort prononcée à son encontre et l’a condamné à deux ans d’emprisonnement et une amende équivalente à 145 euros. Mohammed Mkhaïtir a passé près de quatre ans derrière les barreaux.

En décembre 2013, il a diffusé sur Facebook un billet intitulé La religion, la religiosité et les forgerons, dans lequel il condamnait le recours à la religion pour justifier des pratiques discriminatoires à l’égard de la caste des forgerons, à laquelle il s’identifie. À la suite de cette publication, il a reçu des appels téléphoniques de menace l’accusant de blasphème. Le billet a été repris par plusieurs sites Internet avant d’être supprimé.

Mohamed Mkhaïtir a rédigé un deuxième texte expliquant que son article visait à dénoncer les personnes qui invoquent la religion pour rabaisser des membres de castes inférieures. Des milliers de manifestants ont investi les rues de plusieurs villes, notamment Nouadhibou et Nouakchott, la capitale, pour demander sa condamnation à mort. Pendant sa détention, il a continué à recevoir des menaces de mort, de même que son meilleur ami. Son père a été licencié et contraint à quitter le pays.

Mohamed Mkhaïtir a été arrêté le 5 janvier 2014 et inculpé d’apostasie. À son procès, il s’est repenti en public, déclarant qu’il n’avait pas eu l’intention de parler avec légèreté du prophète Mahomet dans ses écrits. Au cours des six premiers mois de sa détention, il a été maintenu à l’isolement dans une cellule dépourvue de toilettes et de douche.

Mohamed Mkhaïtir est la première personne condamnée à mort pour apostasie depuis que la Mauritanie a accédé à l'indépendance en 1960. Pour Amnistie internationale, c’était un prisonnier d’opinion, détenu uniquement pour avoir exercé de manière pacifique son droit à la liberté d’expression.

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